Cours - Droit constitutionnel - 6e - 515

Un président irresponsable le plus souvent surpuissant
1352 La destitution peut être prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour. Il doit pour cela y
avoir une proposition de chacune des deux chambres puis une décision des deux chambres réunies,
et toutes ces décisions doivent être rendues à la majorité des deux tiers des membres composant les
chambres. Avant la révision de 2007, il suffisait d'une majorité absolue pour mettre un terme au mandat
présidentiel209
. Il y a donc eu, sur ce point aussi, réduction de cette responsabilité. L'effet de la décision de
destitution est immédiat. Contrairement à ce qui se passe aux États- Unis pour l'impeachment, le président
n'est alors pas en principe déclaré inéligible. En outre, le président fait, de toute façon, de droit partie à vie
du Conseil constitutionnel, comme c'est le cas pour deux anciens présidents actuellement.
1353 Ce mécanisme est tellement restrictif, dans les motifs de sa mise en œuvre comme dans ses conditions
procédurales, que cette destitution est presque inconcevable. Ce n'est qu'un ultime garde- fou, qui est
préférable à l'absence totale de garde- fou, mais qui ne saurait sérieusement être regardé comme établissant
une responsabilité politique du président. Il a fallu attendre 7 ans pour que la loi organique précisant cette
procédure soit adoptée210
! E. Macron a annoncé durant sa campagne une modification du statut pénal du
président de la République, mais il semble l'avoir ensuite oubliée.
c) Une responsabilité de fait plus postulée que démontrée
1354 On pourrait considérer que le président est en réalité responsable politiquement devant le peuple, soit
directement à l'occasion de son élection, soit indirectement, à travers les autres organes. En réalité, il n'existe
qu'une possibilité de sanction populaire très insuffisante.
1355 Au terme de son mandat, le président peut ne pas être réélu, et l'on pourrait considérer qu'il s'agit
d'une forme de responsabilité politique. Sous la Ve
République, 4 présidents ont été réélus, dont 3 avaient
été élus la première fois par le peuple - donc pas De Gaulle - et 2 avaient été réélus après une période de
cohabitation (F. Mitterrand et J. Chirac). En soixante- cinq ans, il n'y a eu que trois cas (sur 12 élections dont 11
au suffrage universel direct, depuis 1965) dans lesquels le peuple a pu vraiment décider lors de l'élection
présidentielle de réélire ou non le président qu'il avait déjà élu lui- même et qui avait dirigé la politique
nationale : en 1981, en 2012 et en 2022. Dans tous les autres cas, soit le président n'avait précédemment pas
été élu par le peuple (1965), soit, dans plus de la moitié des cas (6/11), il ne se représentait pas, soit ce n'est
pas lui qui avait dirigé la politique nationale du fait d'une cohabitation à la fin de son mandat (1988, 1995,
2002), comme le montre le tableau sur le second tour de l'élection présidentielle (voir supra, n° 1334). Il n'y
a donc pas de véritable responsabilité politique du président devant le peuple par ce biais. En 2017, une
partie du peuple a pu choisir d'écarter le président sortant avant même cette élection, lors des primaires, ce
qui atténue un peu ce problème.
Cette prétendue responsabilité au sens large serait en toute hypothèse bien trop réduite car elle ne pourrait
s'exercer qu'une fois tous les cinq ans. Une véritable responsabilité politique doit pouvoir être mise en
œuvre tout au long du mandat, comme c'est le cas pour le gouvernement ou l'Assemblée.
1356 En cours de mandat présidentiel, on pourrait se dire que la responsabilité du président peut être mise
en jeu par un référendum ou par l'élection d'autres représentants du peuple qui lui sont hostiles politiquement.
Sans aucun doute, cette élection s'analyse généralement comme un désaveu politique. Le président
devrait en tirer les conséquences, par exemple en démissionnant, ou en changeant de gouvernement.
209. Selon l'art. 68 applicable avant la révision de 2007, « le président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice
de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique
au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant. Il est jugé par la haute Cour de justice ».
210. Loi organique n° 2014-1392 du 24 nov. 2014.
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