Cours - Méthodologie des exercices juridiques - 7e - 83

Le commentaire d'arrêt
A. La concurrence de fautes à l'origine du dommage
- Le Tribunal rappelle (considérant 6) les mécanismes gouvernant la responsabilité pesant sur
les centres de transfusion sanguine : responsabilité sans faute à raison de leur mission et des
risques que présente la fourniture de produits sanguins (CE, ass., 26 mai 1995, N'Guyen, Jouan
et Pavan) et responsabilité pour faute du fait de l'organisation ou du fonctionnement du service
public hospitalier (CE, 26 juin 1959, Sieur R.). Le Tribunal retient logiquement, au regard des faits,
la responsabilité pour faute dans le fonctionnement et l'organisation du service public hospitalier
dont relève le centre de transfusions sanguine (considérant 7). En l'espèce, la faute réside
dans le défaut de transcription du groupe sanguin du requérant aggravée « plus encore » par
l'inversion des résultats de groupage du sang du requérant avec celui d'un autre patient. Autant
de caractéristiques d'un défaut d'organisation et de fonctionnement. En découle l'engagement
de la responsabilité du Centre hospitalier régional de Nancy (considérant 7).
- Le Tribunal retient ensuite la responsabilité personnelle du praticien anesthésiste opérant dans
l'établissement privé d'hospitalisation (considérant 8). À cet égard, le Tribunal relève un manquement
à une obligation de précaution (réalisation d'un seul test de compatibilité) alors même
que le praticien disposait du temps nécessaire avant l'opération pour procéder à un contrôle
complet. Le Tribunal considère la faute comme « l'une des causes du préjudice » dont le requérant
demande réparation (considérant 8).
B. La répartition de la charge indemnitaire, fonction de l'importance
respective des fautes dans la production du dommage
- Le Tribunal écarte la responsabilité contractuelle du commettant, c'est- à-dire de l'établissement
privé d'hospitalisation, résultant de l'article 1384 du Code civil1
en vigueur à l'époque des faits
(considérants 9 à 12). Il retient la responsabilité du seul praticien anesthésiste sur le fondement
délictuel. Il se fonde sur l'indépendance professionnelle dont bénéficie le praticien dans l'exercice
de son art.
- Sans s'expliquer sur la clé de répartition, le Tribunal retient la responsabilité du Centre hospitalier
régional de Nancy pour les trois quarts du dommage subi par le requérant et met à la charge du
praticien anesthésiste le quart restant (considérant 13). Le Tribunal fait sans doute application
de la théorie de la causalité adéquate (CE, sect. 14 oct. 1966, Marais) selon laquelle « la réalisation
d'un dommage est attribuée à celui des faits dont on peut estimer, d'après l'expérience que l'on
a du cours normal des choses qu'il avait une vocation particulière à provoquer le dommage »2
.
L'appréciation pour n'être ni objective ni scientifique permet aussi de hiérarchiser les causes,
comme en l'espèce, et donc le quantum de responsabilité respective.
1. Actuel article 1242 du Code civil.
2. R. Chapus, Droit administratif général, T. 1, 15e
éd., 2001, Domat droit public, p. 1245.
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