Précis Domat - Droit parlementaire - 7e - 251

LES ACTES
législateur, au profit du pouvoir réglementaire, de la compétence qu'il tient de l'article
34 C13
. Plus précisément, il ne peut y renoncer temporairement qu'en habilitant
le Gouvernement dans les formes prévues par l'article 38 C, mais cette habilitation
elle-même ne peut s'appliquer à certains domaines que la Constitution
réserve exclusivement à la loi acte du Parlement (outre les matières ressortissant à
la loi organique et la révision, il s'agit des articles 35, 36, 38, 47 47-1 et 53).
256 Les extensions jurisprudentielles de la compétence du législateur. La compétence
directement fondée sur les dispositions constitutionnelles a été étendue par
les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État aux actes dont
l'effet juridique recherché « ne peut être atteint que par un texte émanant du Parlement
», comme l'écrit Jean-Louis Pezant. Il en va ainsi des validations d'actes
administratifs (119 DC du 22 juillet 1980), d'actes relevant de droit privé (tels des
contrats de prêts immobiliers) et des dérogations à un principe général du droit de
valeur législative, telle la non-rétroactivité (57 DC du 24 octobre 1969). En conséquence,
la compétence du législateur s'étend à n'importe quel acte administratif, y
compris individuel (192 DC du 24juillet 1985) ou n'importe quel acte de droit
privé, dès lors qu'une validation ou une dérogation à un principe général du droit
sont en cause14
.
257 Les restrictions jurisprudentielles à l'exercice des compétences. L'extension
de la compétence du législateur a été accompagnée d'un mouvement de sens
contraire, qui renforce le contrôle pesant sur son exercice. À partir de sa décision
44 DC du 16 juillet 1971 sur la liberté d'association15
, le Conseil constitutionnel a
étendu le contrôle de conformité de l'article 61, alinéa 2 C au contenu des normes
édictées par le législateur, dans des conditions qui achèvent de bouleverser le système
de 1958. Le législateur n'est plus souverain dans les limites de son domaine,
comme on pouvait autrefois le penser, car l'exercice de sa compétence, redevenue
virtuellement illimitée, est désormais subordonné aux dispositions de fond contenues
dans la Constitution. Celle-ci inclut les textes auxquels renvoie son préambule,
c'est-à-dire le préambule de 1946, qui lui-même fait référence aux principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République, ainsi que la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la Charte de l'environnement de 2004.
D'autre part, la révision de l'article 61, alinéa 2 C par la loi constitutionnelle 74904
du 29 octobre 1974, qui permet à 60 députés ou 60 sénateurs de saisir le
Conseil de la conformité d'une loi avant sa promulgation, a entraîné un développement
spectaculaire de ce contrôle. Au 1er
septembre 2023, le Conseil s'est prononcé,
à 574 reprises, sur des lois ordinaires.
L'approfondissement de ce contrôle, qui porte essentiellement sur les droits et
libertés (et qu'étend par ricochet le contrôle a posteriori instauré en 2008 avec la
question prioritaire de constitutionnalité qui contraint le législateur parlementaire à
rectifier les dispositions abrogées), a concerné aussi le respect des règles de
■ 13. Sur cette « incompétence négative », inaugurée en 1967 : L. FAVOREU et L. PHILIP, Les grandes décisions,nos
15,
21, 25.
■ 14. Sur l'ensemble, J. L. PEZANT, « Loi/règlement. La construction d'un nouvel équilibre », in
O. DUHAMEL et J. L. PARODI (dir.), La Constitution de la Cinquième République, PFNSP, 1985, p. 369.
■ 15. Grandes décisions, nº 19.
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