Précis Domat - Droit parlementaire - 7e - 490

DROIT PARLEMENTAIRE
Entre 2009 et 2019, la commission des lois du Sénat a déclaré irrecevables deux demandes de
création d'une commission d'enquête : l'une relative à la prise en charge des djihadistes français
de retour d'Irak et de Syrie (en 2017) et, l'autre, sur les abus sexuels sur mineurs commis au sein
de l'Église (en 2019) en raison de l'existence de plusieurs enquêtes et informations judiciaires en
cours sur les faits ayant motivé les demandes.
Ces limites ne s'imposent ni aux missions d'information (v. supra, nº 558) ni aux rapporteurs
spéciaux de la commission des finances. Le 16 février 2011, le rapporteur spécial de la mission
« gestion du patrimoine immobilier de l'État » a ainsi pu présenter une communication sur la
cession de l'hippodrome de Compiègne dont la commission d'instruction de la Cour de justice
de la République et le tribunal correctionnel de Paris avaient été parallèlement saisis76
Une commission d'enquête ne peut viser le Président de la République (ni du reste sa
) dont les articles 67 et 68 C déterminent le régime de responsabilité. En 1992, la
.
famille77
demande portant sur le fonctionnement du secrétariat général de la présidence dans l'affaire
Habache, fut déclarée irrecevable par le président de l'Assemblée nationale. En 2009, le groupe
socialiste demanda la création d'une commission d'enquête sur les études commandées et financées
par la Présidence de la République. La commission des lois estima cette demande contraire à
la Constitution et décida de ne pas poursuivre ses travaux ni de présenter un rapport. Finalement,
le Président de l'Assemblée nationale, en application de l'article 138, al. 2 RAN, déclara la
demande irrecevable le 26 novembre 200978
. Pareillement, la demande de création d'une commission
d'enquête portant sur le rôle du chef de l'État dans l'implantation en France de l'entreprise
Uber a été rejetée pour irrecevabilité par la commission des lois le 16 novembre 2022. Les amendements
visant à circonscrire le champ de la commission à la période antérieure à l'arrivée à
l'Élysée d'Emmanuel Macron ont été, au surplus, rejetés.
Par ailleurs, il ressort de la pratique qu'un contrôle de recevabilité officieux est effectué en
amont par le président d'une assemblée au nom de son pouvoir général d'appréciation portant sur
les initiatives parlementaires. Ainsi, le dépôt d'une résolution peut-il être refusé (AN : influence
des communistes dans l'appareil d'État (1984), situation en Haïti (immixtion dans les affaires
d'un État) (1987), enquête sur la famille du Président de la République (v. supra) en 1994,
enquête sur une décision du Conseil constitutionnel (2012). La proposition de résolution n'est
pas éditée. Une demande de rectification du libellé est aussi envisageable (telle la suppression
d'imputations d'ordre personnel présentes dans l'exposé des motifs).
Enfin, afin de conserver aux commissions d'enquête leur caractère temporaire, est irrecevable,
en application de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, une demande tendant
à la création d'une commission d'enquête ayant le même objet qu'une commission d'enquête
antérieure, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter des termes des travaux.
572 Pouvoirs. Alors que le texte initial de l'ordonnance du 17 novembre 1958 était
muet sur ce point, la loi 77-807 du 19 juillet 1977, modifiée par les lois 91-698 du
20 juillet 1991 et 94-1040 du 2 décembre 1994, a aligné les prérogatives des commissions
d'enquête et de contrôle sur celles des commissions des finances : leurs
rapporteurs, dont les fonctions sont personnelles et ne peuvent être déléguées,
« exercent leurs missions sur pièces et sur place. Tous les renseignements de
nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se
faire communiquer tous documents de service ; à l'exception de ceux revêtant un
caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la
■ 76. Ibid., nº 138, p. 158.
■ 77. Refus, en 1994, du président de l'Assemblée du dépôt d'une proposition tendant à la création d'une
commission d'enquête portant sur les relations financières entretenues entre M. Roger-Patrice Pelat et la
famille Mitterrand. Ibid., nº 70, p. 188, à l'instar de Mme
des infirmières bulgares) en 2007 (CCF nº 124, p. 193).
■ 78. Ibid., nº 133, p. 165.
Cécilia Sarkozy, conjointe du chef de l'État (affaire
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