Précis Domat - Droit matériel de l'Union européenne - 9e - 631

LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX
marché intérieur (art. 114 TFUE) et de la politique commerciale commune (art. 207
TFUE), laisse de côté cependant le régime des aides d'État tel qu'il ressort des articles
107 à 109 TFUE, car bien qu'il s'agisse d'une sorte de pendant du régime des
aides octroyées par les États membres, il s'agit en l'occurrence d'aides accordées par
des États tiers. On peut naturellement s'étonner qu'une telle réglementation puisse être
opposable à des États tiers (extraterritorialité ?), mais le rattachement avec le droit de
l'UE tient à ce que les cibles visées sont des entreprises européennes. Le règlement
prévoit que de telles opérations de subventions doivent être notifiées à la Commission,
qui doit donner une autorisation préalable. Elle peut aussi proposer des aménagements
voire prononcer des amendes à l'encontre des entreprises concernées. Encore faut-il que
la subvention ait un impact sur la concurrence dans le marché intérieur européen. Le
contrôle s'exerce non pas sur les États étrangers mais sur les entreprises bénéficiaires.
La Commission exerce ses compétences via des décisions d'exécution. Le contrôle de
concentration s'avère particulièrement rigoureux.
B. ENCADREMENT JURIDIQUE : RÉGIME DES ACTIONS
SPÉCIFIQUES
830 Diversité des formes et modalités. - Sur le plan juridique, le souci de conserver la
maîtrise de certaines entreprises récemment privatisées se caractérise par l'attribution à
l'État, devenu actionnaire, d'actions spéciales hors du commun86
souvent sans rapport
avec l'importance de la participation dans le capital de la société privatisée et lui donnant
le droit de peser sur la vie de l'entreprise, son évolution et sa place dans l'économie
générale de l'État. Ces actions prennent diverses formes et conduisent à l'exercice
de pouvoirs de nature diverse. On peut ainsi distinguer des privilèges dérogatoires au
droit des sociétés et des pouvoirs spéciaux d'autorisation exercés par l'État en tant que
puissance publique, hors la qualité d'associé. Dans une approche plus analytique, on
relève également la limitation des investissements étrangers à un pourcentage déterminé
du capital des entreprises privatisées, le plafonnement du droit de vote des actionnaires,
le droit pour les autorités publiques d'intervenir dans la prise de décisions particulièrement
importantes ou encore la désignation directe des organes de direction87
. La France
dispose en la matière d'un dispositif très complet, initié en 1986 confirmé en 2014 et
reposant aujourd'hui sur l'article 154 de la loi dite PACTE nº 2019-486 du 22 mai
201988
. Cette loi permet à l'État disposant d'une participation dans une entreprise opérant
dans des secteurs jugés sensibles de transformer une action ordinaire en action dite
spécifique. La prérogative permet notamment de s'opposer à certains transferts d'actifs
ou de désigner un représentant de l'État au sein d'un organe décisionnaire. Des transferts
dépassant certains seuils d'actifs sont soumis à un agrément du ministre de l'Économie.
La loi PACTE renforce le contrôle de l'État notamment sur les conditions d'exploitation
des actifs possédés par l'entreprise.
Ces comportements s'avèrent bien évidemment contraires en soi tant à libre circulation
des capitaux qu'à la liberté d'établissement. Certains auteurs, notamment l'avocat
■ 86. Parfois dénommées « golden shares ».
■ 87. R. KOVAR, « Les actions spécifiques : état de la jurisprudence de la Cour de justice »,
Europe août-sept. 2008, chr. p. 5 ; J. HOUET, « Les Golden Shares en droit de l'Union européenne », Larcier,
collection études, 2015, 443 pages.
■ 88. JORF nº 0119 du 23 mai 2019.
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