Précis Domat - Droit des régimes matrimoniaux - 13e - 101

DÉTERMINATION DU RÉGIME MATRIMONIAL EN L'ABSENCE D'UN ÉLÉMENT D'EXTRANÉITÉ
la combinaison de plusieurs de ces régimes ou dans l'élaboration d'un régime particulier,
éventuellement imité d'exemples historiques5
ou étrangers. Le régime de
cette liberté est en principe celui de droit commun. Ainsi, par exemple, si des
époux veulent inclure une clause d'inaliénabilité relative à un bien dans leur contrat
de mariage, elle doit être d'une durée limitée et justifiée par un intérêt sérieux et
légitime conformément à l'article 900-1 du Code civil6
. Mais de nombreuses dispositions
étendent cette liberté au-delà du droit commun : le législateur accepte des
clauses qui seraient nulles dans d'autres contrats. Par exemple, la clause par
laquelle les futurs époux conviendraient que la masse commune irait intégralement
au survivant en cas de décès de l'un d'entre eux est admise par l'article 1524 du
Code civil, alors qu'elle serait considérée comme léonine dans un contrat de
société.
124 Application : la clause commerciale. - L'exemple topique est sans doute celui
de la clause par laquelle les époux stipulent qu'au décès de l'un d'entre eux, le
survivant aura la faculté d'acquérir ou de se faire attribuer des biens personnels
du prémourant, clause dite « commerciale » car elle est souvent relative à un
fonds de commerce. Longtemps annulée par la Cour de cassation au nom de la
prohibition des pactes sur succession future, au grand dam de la pratique
notariale7
, elle a été validée par la réforme de 1965 dans l'article 1390 du Code
civil. Comme le suggère la place de ce texte, cette clause a vocation à figurer
dans tout contrat de mariage.
Quant à ses conditions, si l'article 1390 du Code civil subordonne la clause
commerciale au décès d'un des conjoints, la liberté des conventions matrimoniales
autorise une stipulation la faisant jouer pour une autre cause. Elle peut concerner
n'importe quel bien, pourvu qu'il soit déterminé (cf. C. civ., art. 1391), ce qui
semble exclure seulement les universalités8
. La clause commerciale est souvent
avant qu'elle ne
complétée par une clause accessoire prévoyant un droit au bail au profit du bénéficiaire
du prélèvement, dont la Cour de cassation a admis la licéité9
soit expressément consacrée par la loi du 23juin 2006 (C. civ., art. 1390, al. 2).
Pendant la durée du régime, la clause ne produit aucun effet. Au décès du
conjoint, une option est ouverte au bénéficiaire, qui peut décider de se prévaloir
de la clause ou d'y renoncer. S'il tarde à notifier son intention, les héritiers ont la
faculté de le mettre en demeure après le délai de trois mois et quarante jours qui
leur est accordé pour faire inventaire et délibérer : le bénéficiaire doit alors notifier
son intention dans un délai d'un mois, à peine de caducité de la faculté d'attribution
(C. civ., art. 1392). Le bénéficiaire qui a opté pour le prélèvement doit verser aux
■ 5. L'article 1390 originaire du Code civil excluait toute possibilité de se référer aux anciennes coutumes,
mais cette règle a été expressément abolie en 1965.
■ 6. COLOMER,no
329, CORNU, 203. Comp. TERRÉ et SIMLER,no
180.
■ 7. Cass. civ., 11janv. 1933, DP 1933.1.10, note H. CAPITANT ; S. 1933.1.161, note F. GENY.
■ 8. Cass. 1re
civ., 29 avr. 1985, D. 1986.364, note M. BEAUBRUN ; JCP N 1986.II.74, note P. SIMLER ;
Defrénois 1985, art. 33600, obs. G. CHAMPENOIS (toute exploitation agricole). Ad. :BROCHART, « Conditions
de validité et portée de la clause commerciale », JCP N 1986, Prat., 205.
■ 9. Attribution d'une exploitation agricole, le contrat de mariage précisant que « si tout ou partie des
biens cultivés dépendait de la communauté ou de la succession du prémourant, le survivant pourra
exiger... qu'il lui soit fait un bail de neuf années » : cette clause est valable (Cass. civ., 29 avr. 1985, cit.).
Première partie : Le droit commun des régimes matrimoniaux
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