Précis Domat - Droit des régimes matrimoniaux - 13e - 137

L'ACTIF PROPRE
subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des propres... ». Tel
est par exemple le cas de l'indemnité d'assurance remplaçant un bien détruit, de la
créance de dommages-intérêts destinée à compenser sa destruction ou d'une indemnité
d'expropriation.
Une seconde hypothèse est prévue par l'article 1407 du Code civil à propos de
l'échange : « Le bien acquis en échange d'un bien qui appartenait en propre à l'un
des époux est lui-même propre ». Le texte règle le cas d'une soulte versée par
l'époux qui a acquis un nouveau bien, généralement avec de l'argent commun : la
communauté aura en principe droit à récompense. Toutefois, si la soulte mise à sa
charge est supérieure à la valeur du bien cédé, major pars trahit ad se minorem :
« le bien acquis tombe en communauté, récompense étant due au cédant ». Par
exemple, le mari est propriétaire d'un bien propre A d'une valeur de 100 qu'il
échange contre un bien B d'une valeur de 120. Le bien B est propre au mari, mais
si la soulte de 20 est versée par la communauté, elle a droit à récompense. Si le mari
échange le bien A contre un bien B qui vaut 220, la soulte mise à la charge de la
communauté est supérieure à la valeur du bien cédé : le bien B sera commun, la
communauté devant récompense au mari. Malgré le silence de l'article 1407 du
Code civil, la doctrine considère qu'il faut tenir compte des frais pour appliquer
ce texte6
. Par exemple, si le mari propriétaire du bien A valant 100 l'échange contre
un bien B qui vaut 195 et qu'il y a 10 de frais, il faut prendre en compte la contribution
totale de la communauté, soit 105, qui est supérieure à la valeur du bien
cédé : le bien B est commun à charge de récompense.
L'article 1407 du Code civil est un texte d'ordre public, qui ne peut être écarté
par un accord contraire des époux.
160 Un principe général ? - La portée de ces deux cas légaux de subrogation réelle
automatique a été discutée : s'agit-il de deux textes isolés ou peut-on en déduire un
principe général de subrogation automatique ? La majorité de la doctrine s'accorde
à y voir un principe général lorsqu'un lien direct unit deux biens7
. La Cour de cassation
a admis ce raisonnement à propos de l'apport d'un bien propre en société :
les parts sociales ainsi acquises sont propres : « l'opération par laquelle l'apporteur
et la société se donnent respectivement un bien déterminé et des valeurs contre ce
bien a pour effet de faire entrer ces valeurs dans le patrimoine de l'apporteur »8
.
Prolongeant cette décision, la Cour de cassation a considéré que des parts attribuées
à un époux suite à la fusion de deux sociétés sont propres car elles remplacent les
■ 6. CHAMPENOIS,no
l'art. 1436 C. civ., infra no
■ 7. COLOMER,no
■ 8. Cass. 1re
291. Comp. avec la solution s'appliquant pour l'emploi ou le remploi fondé sur
164.
661 ; CORNU,no 51 ; MALAURIE,AYNÈS et PETERKA,no
171-2.
184 ; TERRÉ et SIMLER,no
332, pour
qui le critère serait une substitution directe de biens ou de droits à d'autres, sans recours à la monnaie.
Comp. MAZEAUD et DE JUGLART,no
G. CHAMPENOIS, D. 1979, IR.254, obs. D.MARTIN. Ad. : Cass. 2e
civ., 21 nov. 1978, JCP 1980.II.19451, note R. LE GUIDEC ; Defrénois 1979.954, obs.
civ., 10 juill. 1996, JCP 1997. 4008, obs.
P. SIMLER : des parts sociales acquises en contrepartie d'apports immobiliers sont propres en régime de communauté
meubles et acquêts ; Cass. 1re
civ., 27 mai 2010, Defrénois 2011, art. 39206, no
8, obs.
G. Champenois : même solution pour les parts acquises en contrepartie d'un fonds de commerce. Comp.
Cass. civ., 18 déc. 1935, DP 1936.1, note M. FRÉJAVILLE qui avait retenu la qualification de propre en qualifiant
l'apport en société d'échange. Cf. supra no
réelle automatique ?
148 : l'achat de bons de caisse obéit-il à la subrogation
Deuxième partie : Le régime légal
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