Précis Domat - Droit des régimes matrimoniaux - 13e - 167

DETTES ORDINAIRES NÉES EN COURS D'UNION
époux, les biens communs sont compris dans l'actif de cet époux débiteur : ses
créanciers peuvent demander à être payés sur les biens communs, même si le
concours ou le consentement du conjoint était nécessaire pour tout acte de disposition
les concernant (cf. supra no
45 pour le logement familial et infra,no
230 pour
les actes entrant dans le champ de l'article 1424 C. civ.), et son conjoint supportera
dans sa part de biens communs le poids du passif. Mais le conjoint in bonis n'est
pas frappé de dessaisissement ni soustrait aux poursuites individuelles de ses créanciers,
et ces derniers peuvent agir contre lui. Voulant se faire payer sur les biens
communs, doivent-ils être soumis aux règles découlant de la procédure collective,
en particulier l'obligation de déclaration de la créance, la suspension des poursuites
individuelles ou l'arrêt des inscriptions ? La réponse nécessite une difficile conciliation
entre droit des régimes matrimoniaux et droit des procédures collectives. Un
éminent auteur s'est prononcé pour la soumission des créanciers du conjoint in
bonis agissant sur les biens communs aux règles des procédures collectives6
et la
jurisprudence a abondé en ce sens.
Un important arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du
23 décembre 1994 a affirmé en effet que « si la liquidation judiciaire d'une personne
mariée sous le régime de la communauté de biens ne modifie pas les droits
que les créanciers de son conjoint tiennent du régime matrimonial, le dessaisissement
de la personne interdit à ces créanciers d'exercer des poursuites sur les biens
communs en dehors des cas où les créanciers du débiteur soumis à la liquidation
judiciaire peuvent eux-mêmes agir »7
.
La jurisprudence considère que les créanciers du conjoint in bonis sont soumis à
la procédure pour l'exercice de leurs droits sur les biens communs, même si ces
droits ne sont pas modifiés. Ils ne peuvent plus exercer de poursuites individuelles
sur les biens communs et l'arrêt du cours des inscriptions leur est opposable. Surtout,
ils doivent déclarer leur créance, même si le défaut de déclaration ne conditionne
que l'exercice de leurs droits et pas leur existence, ce qui leur laisse le mince
liquidation judiciaires et régime de communauté », D. 1994.108 ; M. et P. STORCK, « Les biens communs
dans les procédures de redressement judiciaire », Mélanges D. Huet-Weiller, LGDJ, 1994, 449 ;
J.-P. SÉNÉCHAL, « Le droit des procédures collectives à l'épreuve de la réforme des régimes matrimoniaux »,
Bull. Joly 1995, 229 ; P. HOLL et R. LIBCHABER, Communauté conjugale et procédure collective à l'encontre
d'un des époux Cridon, 1998 ; P. RUBELLIN, Régimes matrimoniaux et procédures collectives, thèse, Lyon,
1999 ; P. SIMLER, « Les interférences des régimes matrimoniaux et des procédures collectives », LPA 7juin
199.28 ; F. VAUVILLE, « Procédure collective et communauté conjugale : suite et fin ? », RJPF mai 1999.14 ;
L. GRIFFON,« L'extension de la procédure collective au conjoint du débiteur », Defrénois 2003, art. 37709 ;
A. PERRODET, « Le conjoint du débiteur en redressement judiciaire », RTD com. 1999.1 ; F.-X. LUCAS,« L'attraction
du conjoint in bonis dans la procédure collective », LPA 24 avr. 2003, 4 ; A. LECOURT, « La délicate
articulation du droit des procédures collectives et du droit de la faillite », RTD com. 2004. ; L. ANTONINICOCHIN,
« Pour le meilleur ou pour le pire ou les droits du conjoint du débiteur soumis à une procédure
collective », JCP 2010.534 ; C. LISANTI, « Plaidoyer pour une refonte des droits du conjoint in bonis »,
Mélanges Corinne Saint-Alary-Houin, 2020.
■ 6. F. DERRIDA, art. cit.
■ 7. JCP 1995.II.22401, note D. RANDOUX ; D. 1995.145, rapp. Y. CHARTIER, note F. DERRIDA ; JCP E,
1995.II.660, note P. PETEL ; Defrénois 1995 art. 36040, 445, obs. G. CHAMPENOIS ; JCP 1995.I.3869, no
8,
obs. P. SIMLER.L'Assemblée plénière revient ainsi sur la position adoptée par Cass. com., 19janv.
1993, B., no
25 ; D. 1993.331, note A. HONORAT et J. PATARIN ; JCP 1993, E, 22056, note P. PETEL.
Deuxième partie : Le régime légal
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