Précis Domat - Droit des régimes matrimoniaux - 13e - 172

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX
compte est alimenté par une somme, qui n'est pas un revenu du travail, mais qui
correspond à un mois de salaire26
.
201 Portée. - Cette exclusion du droit de poursuite des créanciers des gains et salaires
du conjoint de l'époux débiteur est importante car les gains et salaires représentent
aujourd'hui les ressources essentielles d'un ménage. Mais les auteurs sont unanimes
à souligner les dangers de ce nouvel article 1414 du Code civil27
. Les
statistiques démontrant qu'une femme a des salaires moins élevés que son mari,
son crédit sera plus faible que celui de son époux : l'égalité voulue par la loi de
1985 se révèle illusoire. À moins que les créanciers demandent aux deux conjoints
de s'engager solidairement, mais c'est alors l'indépendance de chaque époux, également
souhaitée par la loi de 1985, qui est menacée.
2. Restriction du droit de poursuite des créanciers
en cas d'emprunt ou de cautionnement28
202 Présentation générale. - Jusqu'à la loi du 23 décembre 1985, aucune disposition
particulière ne régissait les emprunts ou les cautionnements, qui étaient considérés
comme des dettes ordinaires. Le cautionnement ou l'emprunt conclu par le
mari seul pouvait avoir des conséquences dramatiques pour le ménage, puisqu'il
obéissait au droit commun de l'article 1413 ancien du Code civil : le créancier pouvait
se payer sur les biens propres du mari et les biens communs ordinaires29
solution était d'autant plus grave que la jurisprudence refusait de soumettre
emprunt ou cautionnement à la cogestion des deux époux (cf. infra no
protéger le logement familial (cf. supra no
227) ou de
47). Si le droit commun avait continué
de prévaloir sous l'empire de la loi de 1985, un engagement consenti par un époux
àl'insu de son conjoint aurait pu aboutir à la saisie de tous les biens communs. Une
plus grande protection des époux aurait pu passer par une extension de la cogestion
àl'emprunt et au cautionnement. Mais le législateur de 1985 s'est refusé à toute
extension de la cogestion pour protéger l'indépendance des époux, qui, de toute
façon, aurait pu se retourner contre les époux puisque la cogestion aurait abouti à
■ 26. Cf. CHAMPENOIS,no
■ 27. COLOMER,no
455.
838 : « les faits risquaient de se révolter contre le droit ».
■ 28. G. DESSOUS, thèse cit. ; J. CASEY, thèse cit. ; J.-M. OLIVIER, « La caution et sa famille », LPA, 1986,
no
50, p. 23 ; C. MOULY, « Le cautionnement donné par une personne mariée », Defrénois 1988.34163 ;
414 et s. ; M. WACOGNE,
67, 64 ;
F. PASQUALINI,« L'emprunt et le régime matrimonial », Defrénois 1993, art. 35013 ; S. PIQUET-CABRILLAC,
Cautionnement et droit des régimes matrimoniaux, thèse, Montpellier, 1995, no
«L'article 1415 C. civ. et la protection du patrimoine de l'entrepreneur individuel », JCP N 1998.930 ;
F. VAUVILLE, « Article 1415 du Code civil : les armes du débat judiciaire », Dr. et patr. 1999, no
R. CABRILLAC et S. PIQUET-CABRILLAC, « Le cautionnement souscrit par des époux communs en biens : l'article
1415 du Code civil, quinze ans après la réforme du 23 décembre 1985 », Annales de la Faculté
de droit d'Avignon, 2000, 11 ; S. ROBINNE, « Article 1415 du Code civil, Comment sortir du contentieux ? »,
Mélanges J. Calais-Auloy, Dalloz, 2003. 963 ; S. BECQUE-ICKOWICZ, « Couple et cautionnement », Dr ;
et patr. juillet 2008, 60 ; P. SIMLER, « Les emprunts et cautionnements des époux, le désordre généré par
l'article 1415 C. civ. », JCP N 2009.1188 ; V. AVENA-ROBARDET, « Le cautionnement à l'épreuve
des régimes matrimoniaux », AJfam. 2018.315.
■ 29. Sur un cautionnement souscrit par un époux avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 23 déc.
1985, cf. Cass. 1re
obs. M. BANDRAC, 1992, 443, obs. F. LUCET et B. VAREILLE, qui applique l'art. 1413 anc.
172
civ., 14 mai 1991, B., no 152 ; JCP N 1992.II.102, note R. LEGUIDEC ; RTD civ. 1991.772,
.La
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