Précis Domat - Droit des régimes matrimoniaux - 13e - 24

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX
mal de l'infériorité juridique de la femme mariée. Ainsi s'expliquent les réformes
ponctuelles intervenues tout au long du XX
e siècle. Le système mis en place par le
Code civil accordait au mari les pleins pouvoirs sur les revenus de sa femme, biens
communs. Une loi du 13 juillet 1907 décida que la femme mariée exerçant une
profession séparée pouvait percevoir librement ses gains et salaires et les employer
dans l'acquisition de biens réservés à son administration. Une loi du 18 février
1938 supprima l'incapacité de la femme mariée, mais sa portée pratique fut réduite
car elle ne s'accompagnait pas d'une réforme fondamentale des différents régimes.
Le projet de coupler cette réforme avec l'adoption d'un nouveau régime légal, la
participation aux acquêts, a cédé devant le vif attachement, en particulier manifesté
par les notaires, pour la communauté. Une loi du 22 septembre 1942 validée à la
Libération par une ordonnance du 9 octobre 1945, a instauré diverses mesures se
voulant de circonstance pour améliorer la gestion des biens du ménage par les femmes
de prisonniers. En réalité, elle a introduit dans notre droit plusieurs règles
d'importance : le pouvoir reconnu à la femme sur ses biens personnels en régime
séparatiste est expressément consacré ; les pouvoirs du mari dans la communauté
sont restreints par l'instauration de la cogestion pour les donations. Mais une
réforme d'ensemble du droit des régimes matrimoniaux n'en restait pas moins
nécessaire.
Cette réforme était depuis longtemps envisagée, mais l'échec de plusieurs
a conduit le législateur à la prudence. La réforme aboutissant à la loi du
projets67
13 juillet 1965 a été précédée d'une enquête d'opinion et d'une consultation des
notaires : outre l'ignorance des Français sur le contenu de leur régime matrimonial,
elle a fait apparaître un confus mais fort attachement à l'idée communautaire, une
volonté d'assurer le maintien des biens dans les familles d'origine, le désir de promouvoir
l'égalité des époux, en particulier dans la gestion des biens propres68
.Le
projet a été élaboré par le doyen Carbonnier, comme bon nombre de réformes
entreprises en droit de la famille dans les années 1960, et le Parlement n'y a apporté
que peu de modifications69
.
Plusieurs traits marquants caractérisent la loi du 13 juillet 196570
:
- adoption de nombreuses règles, baptisées par la doctrine régime primaire,
applicables aux époux quel que soit leur régime ;
- maintien d'un régime communautaire comme régime légal, mais la communauté
est désormais réduite aux acquêts ;
■ 67. Sur l'échec des plus importants, le projet Renoult (1932) et le projet Michelet (1959), cf. COLOMER,
no
31.
■ 68. F. TERRÉ, « La signification sociologique de la réforme des régimes matrimoniaux », Année sociologique,
1965.1.
■ 69. Cf. J. CARBONNIER, Droit et passion du droit sous la Ve
République, Flammarion, 1996, 195.
■ 70. M. BRAZIER, « À propos de la réforme des régimes matrimoniaux, la communauté fantôme »,
JCP 1966.I.1984 ; J. CARBONNIER, Essai sur les lois, op. cit., 35 et s. ; A. COLOMER, « La suppression du
droit de jouissance de la communauté sur les biens propres des époux, ou le danger d'innover »,
D. 1966.23 ; G. CORNU, « La réforme des régimes matrimoniaux », JCP 1966.I.1968 et 1997 ; JCP 1967.
I.2178 ; JCP 1970.I.2333 ; H. MAZEAUD, « La communauté réduite au bon vouloir de chacun des époux »,
D. 1965.91 ; PATARIN et MORIN, op. cit. ;A. PONSARD, « La réforme des régimes matrimoniaux »,
D. 1966.111 ; R. SAVATIER, « La finance ou la gloire, option pour la femme mariée ? Réflexion sur la
réforme des régimes matrimoniaux », D. 1965.135.
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