Précis Domat - Droit des régimes matrimoniaux - 13e - 318

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX
chacun d'eux conserve l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses
biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du
mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralité et ceux qu'il a
acquis pendant le mariage à titre onéreux ». Comme pour les époux séparés de
biens, cette liberté peut être tempérée par un mandat, un mandat tacite présumé
ou en cas d'immixtion d'un époux dans la gestion des biens de l'autre. Les restrictions
provenant des règles du régime primaire jouent également.
381 Exception : protection de la créance de participation. - Dans la participation
aux acquêts, « l'autonomie des époux trouve un frein dans l'espérance de participation
de chacun d'eux aux enrichissements de l'autre »2
: puisqu'à la dissolution du
régime, chaque époux doit profiter de l'enrichissement du ménage, plusieurs règles
ont été adoptées pour le protéger de son conjoint.
Tout d'abord, « le droit de participer aux acquêts est incessible tant que le
régime matrimonial n'est pas dissous » (C. civ., art. 1569) : « l'intrusion d'un tiers
dans les relations patrimoniales entre époux qui en résulterait serait intolérable »3
D'autre part, selon l'article 1580 du Code civil, « Si le désordre des affaires
.
d'un époux, sa mauvaise administration ou son inconduite, donnent lieu de craindre
que la continuation du régime matrimonial ne compromette les intérêts de l'autre
conjoint, celui-ci peut demander la liquidation anticipée de sa créance de participation
». Le mécanisme ainsi prévu est calqué sur l'article 1443 du Code civil relatif à
la séparation de biens judiciaire (cf. supra no
263 et s.). Les règles de la séparation
de biens judiciaire sont applicables à cette demande ; si elle aboutit, les époux
seront placés sous le régime de séparation de biens, de manière rétroactive, à la
date de la demande (C. civ., art. 1572).
Enfin, une limite indirecte au principe de liberté de gestion est également apportée
par les articles 1573 et 1577 du Code civil. Certes ces textes s'appliquent au
moment de la dissolution du régime, lorsqu'un époux exerce sa créance de participation,
mais ils ont une incidence sur la gestion des biens. D'après l'article 1573 du
Code civil, pour le calcul de la créance de participation à laquelle pourra prétendre
chaque époux lors de la dissolution, les biens donnés entre vifs sans le consentement
du conjoint et ceux qui ont été aliénés en fraude de ses droits doivent être
considérés comme faisant toujours partie du patrimoine de l'époux donateur ou
aliénateur. Aux termes de l'article 1577 du Code civil, lorsqu'à la dissolution du
régime, les biens existants sont insuffisants à remplir de ses droits l'époux titulaire
d'une créance de participation, celui-ci peut en poursuivre le recouvrement sur les
biens donnés sans son accord ou aliénés en fraude de ses droits. Ainsi, les donations
ou les aliénations frauduleuses conclues par un époux seul ne sont pas nulles,
ce qui permet de sauvegarder l'indépendance des époux, mais concrètement, les
tiers, encouragés par la pratique notariale, exigeront la participation des deux
époux pour se mettre à l'abri de toute contestation : l'article 1577 du Code civil
aboutit à une cogestion de fait.
■ 2. COLOMER,no
318
1236.
■ 3. TERRÉ et SIMLER,no
814.

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