Précis Domat - Droit des biens - 6e - 272

DROIT DES BIENS
remet toutefois pas en cause le principe car il faut y voir une simple modalité
d'usage de la ressource, qui n'est pas elle-même atteinte16
.
Ensuite, la propriété ne se réduit pas à la propriété privée. Elle connaît des formes
de concurrence. Si l'idée d'une indivision des choses communes doit être rejetée
dès l'instant que l'indivision est construite sur le modèle de l'appropriation privative
(supra no
forme de propriété collective véritable (supra no 157 s.). Reste que le caractère
absolument général de l'usage des choses communes interdit d'en exclure quiconque,
ce qui rattache cet usage bien davantage au modèle d'une liberté qu'à
celui d'un véritable droit subjectif, même collectif17
.
321 Usage des choses communes. - Si les choses communes ne sont pas appropriées,
même collectivement, elles sont néanmoins l'objet d'un usage offert à tous
(C. civ., art. 714), c'est-à-dire concurrent. Cette concurrence ne pouvant être anarchique,
le second alinéa de l'article 714 du Code civil dispose que « des lois de
police règlent la manière d'en jouir »18
le juge à départager les litigants en prenant en compte tant leurs intérêts particuliers
que l'intérêt général (C. civ., art. 645). On parle en pratique de « règlements judiciaires
d'usage », sans qu'il faille voir là une atteinte à la prohibition des arrêts de
règlements fulminée par l'article 5 du Code civil19
.
donc que quelqu'un s'empare de la res nullius pour qu'il en devienne propriétaire par occupation (sur l'occupation,
supra nº 264). Sitôt pourtant que l'on reconnaît qu'il est possible d'approprier des fractions des
choses communes par une simple prise de possession, la distinction se brouille. Quelle différence en effet
entre s'emparer d'un poisson (res nullius)ou d'un litre d'eau (res communis)?
■ 16. On peut en effet justifier le procédé en observant que la fraction de la chose ainsi appropriée a
vocation à rejoindre la chose d'où elle a été prélevée. L'air ou l'eau mis en bouteille finiront tôt ou tard
par rejoindre l'élément naturel auquel ils appartiennent. C'est donc le caractère essentiellement provisoire
de cette appropriation qui explique qu'elle demeure rattachée à un simple acte d'usage de la chose commune.
■
17. Dans son rapport externe, la propriété induit l'exclusivité : elle n'a de sens véritable que s'il y a
quelqu'un à exclure de l'usage de la chose. Tant que la propriété collective est celle d'un groupe identifié
d'individus, elle mérite cette qualification. Son élargissement à la totalité des hommes la condamne en
revanche en tant que propriété. Au vrai, le concept de droit subjectif même est inapte à rendre compte de
la nature de la relation qu'entretient l'homme avec la chose commune. C'est bien plutôt l'idée de liberté
d'usage qui paraît la traduire au mieux dès l'instant que la liberté s'oppose au droit subjectif en ce qu'elle
est également offerte à tous, alors que le droit subjectif crée au contraire une inégalité légitime entre les
individus.
■ 18. L'expression « lois de police » est vieillie et vise toute la réglementation, quelle que soit sa nature
juridique, qui peut avoir pour vocation de régler l'usage des choses communes. Celle-ci s'est considérablement
développée à la faveur de la prise de conscience de la fragilité de l'environnement et du caractère
épuisable des ressources naturelles. L'usage des eaux est particulièrement encadré par le Code de l'environnement.
On observera que la compétence des juridictions administratives en matière de police des eaux
n'écarte pas celle du juge judiciaire quant à la protection des propriétés riveraines (Cass. 3e
156), on pourrait en revanche voir dans les choses communes une
. Leur absence ou leur insuffisance conduira
civ., 31janv.
2018, nº 16-28508 ; JCP G 2018, p. 387, note G. LERAY et N. REBOUL-MAUPIN ; RTD civ. 2018, p. 451 obs.
W. DROSS).
■ 19. Non seulement le juge ne peut se prononcer qu'àl'occasion d'un litige mais encore sa décision
n'aura-t-elle d'autorité qu'àl'égard des parties, sans pouvoir être opposée aux tiers. La décision du juge
n'en présente pas moins une indiscutable originalité dans la mesure où elle n'a pas pour but de départager
des prétentions contraires au seul regard des revendications des parties mais de situer ces revendications par
rapport à l'intérêt général, intérêt que la lettre du Code réduit maladroitement à celui de l'agriculture.
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