Précis Domat - Droit des biens - 6e - 297

LES CHOSES MOBILIÈRES ET IMMOBILIÈRES
séparative des fonds, quel que soit le temps écoulé depuis38
. Toutefois, l'action en
bornage n'étant pas une action en revendication, elle ne saurait interdire aux propriétaires
concernés d'agir sur ce fondement afin de réclamer que leur soit attribuée
la propriété d'une bande de terrain placée de l'autre côté de la ligne séparative ainsi
définie39
.
2. Clôtures
350 Droit de se clore. - Le droit de propriété, tel que le conçoit le Code civil, se
caractérise négativement par le pouvoir d'interdire à quiconque d'accaparer les utilités
que procure son objet : l'exclusivisme en est la marque. Cet exclusivisme
trouve une traduction concrète en matière immobilière dans le droit, reconnu à
tout propriétaire, de clore son fonds afin d'en interdire matériellement l'accès aux
tiers (C. civ., art. 647). D'un point de vue politique, le droit de se clore a été conçu
comme l'instrument propre à permettre la disparition progressive du droit coutumier
de vaine pâture : l'article 648 du Code civil le montre en affirmant que « le
propriétaire qui veut se clore perd son droit au parcours et vaine pâture en proportion
du terrain qu'il y soustrait ».
Malgré ce que paraît signifier ce texte, la vaine pâture peut, de nos jours,
encore constituer un obstacle à la mise en œuvre par un propriétaire du droit
que lui reconnaît l'article 64740
.Il en est d'autres. Le propriétaire ne saurait invo.La
quer
ce texte pour faire obstacle aux droits légitimes que peuvent avoir des tiers
de passer sur son fonds, à titre de servitude ou d'un autre droit réel41
■ 38. Les juges refusent d'ailleurs toute nouvelle détermination de la ligne séparative des fonds lorsqu'il
apparaît qu'un bornage antérieur existe, dont l'existence peut être établie par la production d'un acte juridique
(Cass. 3e
civ., 16 nov. 1971, nº 70-11344 ; Bull. civ. III nº 557. - Cass. 3e
10414 ; Bull. civ. III nº 460) ou par la découverte de bornes anciennes sur le terrain (Cass. 3e
1972, nº 71-13203 ; Bull. civ. III nº 680).
■ 39. Cass. 3e
civ., 19 nov. 2020, nº 19-22294. - Cass. 3e civ., 4 juill. 2019, nº 18-13553. - Cass. 3e
civ., 17 juill. 1972, nº 71civ.,
18 déc.
civ.,
6juin 2019, nº 18-14454. - Cass. 3e civ., 19 mai 2015, nº 14-11984 : « l'accord des parties sur la délimitaciv.,
10juin 2015, nº 14-14311 ; RTD civ. 2015 p. 899 obs. W. DROSS (absence d'effet translatif
tion des fonds, n'implique pas, à lui seul, leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses ». -
Cass. 3e
du bornage). Sur l'absence de publicité du procès-verbal de bornage : Cass. 3e civ., 9 avr. 2013,
civ., 10 nov. 2009, nº 08-19756 ; JCP G 2010, 336, nº 6, obs.
civ., 10 juill. 2013, nº 12-19416 et 12-196-10 ; Bull.
nº 12-13516. - Impossibilité d'invoquer l'autorité de chose jugée de la décision de bornage à l'encontre
d'une action en revendication : Cass. 3e
H. PÉRINET-MARQUET ; Dr. et patr. juin 2010, p. 90, obs. J.-B. SEUBE ; D. 2010, p. 2188, obs.
N. REBOUL-MAUPIN. - Interdiction faite aux juges d'ordonner la destruction d'un ouvrage qui se trouverait,
le bornage fait, empiéter sur le terrain voisin : Cass. 3e
(et pour le cas inverse : Cass. 3e civ., 20juin 2019, nº 18-13242 ; RTD civ. 2019, p. 537, obs. W. DROSS).
■ 40. Cf. C. rur., art. L. 651-1 s.
■ 41. L'article 647 affirme le droit de se clore « sauf l'exception portée en l'article 682 », c'est-à-dire le
cas d'une servitude légale de passage bénéficiant à un fonds enclavé (sur laquelle, infra nº 373). C'est plus
généralement l'exercice de toute servitude de passage, qu'elle soit légale ou conventionnelle, que le droit de
se clore ne peut empêcher. En pratique, les tribunaux sont par exemple amenés à apprécier si l'édification
d'une clôture munie d'un portail dont la clé est remise au bénéficiaire du droit de passage peut ou non être
admise : les réponses sont variées (maintien du portail : Cass. 3e
civ., 21 mars 1972, nº 70-13773 ;
Bull. civ. III nº 200. - suppression du portail : Cass. 3e civ., 20juin 1979, nº 78-11665 ; Bull. civ. III
nº 140. - affirmant que la servitude de passage « rendait impossible toute clôture » : Cass. 3e civ., 27 mai
1998, nº 96-12898).
Deuxième partie : Les choses en rapport avec la personne
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