Précis Domat - Droit des biens - 6e - 318

DROIT DES BIENS
figurent dans le Code rural115
. Ces servitudes ont, à cette occasion, changé de
nature : il ne s'agit plus de servitudes négatives, limitant seulement le droit qu'aurait
le propriétaire du fonds servant de construire comme il l'entend sur son terrain.
Le Code rural met en place de véritables servitudes positives, permettant le passage
de canalisations ou d'aqueducs sur le terrain voisin afin d'y amener ou d'en faire
partir artificiellement les eaux. Elles s'opèrent donc à charge d'indemnité.
373 Servitude de passage en cas d'enclave. - La servitude de passage en cas d'enclave
est organisée par les articles 682 à 685 du Code civil. Le propriétaire d'un
fonds dépourvu d'accès à la voie publique116
pourra exiger un passage117
sur les
terrains qui l'en séparent. Une telle faculté soulève plusieurs difficultés. Quant à
la naissance du droit, on pouvait hésiter à accorder le bénéfice de la servitude légale
lorsque le demandeur dispose d'un accès à la voie publique mais que celui-ci est
insuffisant pour permettre l'exploitation qu'il souhaite faire de son fonds (par
exemple, l'accès est trop étroit pour le passage des engins nécessaires à l'édification
d'une construction). Il y a là un choix d'ordre économique. On peut refuser la
servitude : dès lors que le passage est possible, la jouissance du fonds l'est également,
même si elle doit demeurer réduite. Mais ce n'est pas ce choix a minima qui
a été retenu par le droit positif : la servitude pourra être réclamée lorsque l'accès
existant n'est pas propre à permettre l'utilisation du fonds projetée par son
propriétaire118
. En revanche, le propriétaire du fonds enclavé ne sera pas admis à
■ 115. Ces servitudes étant rurales, elles ont pour point commun de ne pouvoir grever un immeuble destiné
à l'habitation (maison, cours et jardins attenants). Les articles L. 152-14 à L. 152-16 du Code rural
organisent une servitude dite d'aqueduc, permettant à tout propriétaire d'imposer le passage d'une canalisation
souterraine pour l'acheminement des eaux (potables ou d'irrigation) sur son propre fonds, à charge
d'indemnité juste et préalable. Réciproquement, les articles L. 152-20 à L. 152-23 prévoient une servitude
d'écoulement de telles eaux, qui peuvent être usées. À ces servitudes s'en ajoutent d'autres, propres à faciliter
l'irrigation, telle la servitude d'appui permettant au propriétaire riverain d'un cours d'eau non domanial
d'y implanter un barrage, lequel prendra nécessairement appui sur le fonds du voisin (berge et fond du
cours d'eau jusqu'en son milieu). Le voisin est tenu de supporter cet ouvrage bâti sur son fonds, moyennant
juste et préalable indemnité (C. rur., art. L. 152-17 à L. 152-19). La servitude d'appui est un cas légal de
servitude d'empiètement.
■ 116. Il ne l'est pas lorsqu'il bénéficie d'un passage à titre de servitude conventionnelle (Cass. 3e
civ., 23 mai 2019, nº 17-31778) et qu'elles permettent un accès suffisant au
civ.,
27 sept. 2006, nº 05-16451 ; Bull. civ. III nº 192), soit même à titre de simple tolérance, tant que cette tolérance
se maintient (Cass. 3e
fonds (Cass. 3e civ., 16 mars 2017, nº 15-28551, « l'accès à un véhicule automobile correspond à l'usage
normal d'un fonds destiné à l'habitation »). De même, bien qu'on ait proposé d'étendre la notion d'enclave
afin de permettre au propriétaire d'un bâtiment construit en limite de propriété de passer sur le fonds voisin
pour procéder à sa réfection (servitude dite de « tour d'échelle »), la Cour de cassation a rejeté l'analyse
(Cass. 3e
H. PÉRINET-MARQUET). Mais elle permet néanmoins aux juges du fond d'imposer au voisin de laisser l'accès
au mur, soit à titre d'obligation de voisinage (Cass. 3e
civ.,
Cass. 3e civ., 7juin 2015, nº 14-17644 ; RDC 2016, p. 123, obs. A. TADROS. - comp., se dispensant de toute
justification : Cass. 3e civ., 26 mars 2020, 18-25996 ; RTD civ. 2020, p. 532, obs. W. DROSS), soit indirectement,
en sanctionnant le refus au titre de l'abus de droit (Cass. 3e civ., 15 févr. 2012, nº 10-22899 ;
Bull. civ. III nº 32 ; D. 2012, p. 1308, note D. THOMASSIN et p. 2141, obs. MALLET-BRICOUT. - Cass. 3e
14janv. 2016, nº 14-24703 ; RTD civ. 2016, p. 410, obs. W. DROSS).
■ 117. Le passage ne se limite pas à celui des individus : il peut tout aussi bien concerner les câbles ou
canalisations nécessaires à l'usage du fonds : Cass. 3e
civ., 14 déc. 1977, nº 76-11254 ; Bull. civ. III nº 451.
■ 118. Il appartient aux juges du fond de se prononcer souverainement sur l'insuffisance de l'accès (est
insuffisant l'accès qui offre des inconvénients ne pouvant être surmontés qu'avec des travaux d'un coût
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civ., 28 sept. 2005, nº 04-14769 ; Bull. civ. III nº 187 ; JCP G 2006, I, 127, nº 14, obs.
civ., 15 avr. 1982, nº 80-17108 ; Bull. civ. III nº 93. -
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