Précis Domat - Droit des biens - 6e - 330

DROIT DES BIENS
constituent fonds de commerce et exploitations de toute nature. La dissociation de
l'immeuble et de l'activité économique dont il est le support serait alors consommée.
En cantonnant cependant la servitude aux seuls rapports entre deux immeubles,
par fidélité aux codificateurs qui avaient pourvu, en 1804, aux besoins d'une
société essentiellement agricole, on sclérose par conservatisme une institution juridique
aux potentialités remarquables. Certes, l'immeuble, en raison de sa perpétuité,
ne saurait être asservi à l'exploitation (supra no
345), mais la servitude n'est
pas l'immeuble, elle cesse « lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut
plus en user » (C. civ., art. 703), ce qui devrait autoriser son rattachement à l'exploitation.
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Charges imposées au propriétaire du fonds servant : difficulté. - Le propriétaire
du fonds servant peut-il être tenu non seulement de subir une restriction dans
l'usage de son fonds mais encore de fournir une prestation positive au maître du
fonds dominant, c'est-à-dire de faire quelque chose à son profit (d'où le nom de
servitude in faciendo, « consistant à faire ») ? Le débat est important parce qu'il
en va de la plus ou moins grande plasticité des servitudes et donc de leur plus ou
moins grande utilité pratique. Mais s'il a autant agité la doctrine, c'est surtout parce
que l'existence de servitudes in faciendo offre un argument de poids pour les
auteurs néo-personnalistes, favorables à l'analyse du droit réel sur le modèle de
l'obligation (supra no
148) : si la servitude peut avoir pour effet contraindre le propriétaire
du fonds servant à accomplir une prestation positive au profit du propriétaire
du fonds dominant, c'est bien que le droit réel de servitude grève moins une
chose qu'il n'oblige une personne.
La réponse paraît à première vue assez nette. La servitude réalise un redécoupage
économique de l'immeuble, consistant à intégrer dans l'objet de la propriété
du maître du fonds dominant certaines utilités en principe rattachées à un fonds
différemment approprié (fonds servant). Elle ignore les propriétaires des biens
eux-mêmes et ne saurait conséquemment imposer une quelconque obligation de
faire au propriétaire du fonds servant, celui-ci ne pouvant être tenu que de respecter,
comme n'importe qui d'ailleurs, le droit de propriété du maître du fonds dominant,
même si celui-ci s'étend à une utilité qui, n'aurait été justement la servitude,
lui profiterait seul. Cette conclusion logique s'exprime au travers un adage connu :
servitus infaciendo consistere nequit (les servitudes ne peuvent consister à imposer
une obligation de faire).
L'hésitation vient de ce que cette présentation, si elle est dogmatiquement
exacte, n'est pas toujours économiquement opportune. L'usage optimal de la servitude
par le propriétaire du fonds dominant peut requérir du propriétaire du fonds un
comportement actif. Les parties pourront ainsi avoir intérêt à convenir que la servitude
de passage impose au propriétaire du fonds servant d'entretenir en état ledit
passage. Or le Code civil permet ce type d'accords. Après avoir autorisé le titulaire
de la servitude à « faire tous les ouvrages nécessaires pour en user et pour la conserver
» (C. civ., art. 697), il énonce que « ces ouvrages seront à ses frais158
■ 158. Sauf en cas d'usage commun, les frais étant alors partagés entre les maîtres des fonds dominant
et servant (Cass. 3e
civ., 22 mars 1989, nº 87-17029 ; Bull. civ. III nº 71 ; RTD civ. 1990, p. 526, obs.
F. ZENATI. - Cass. 3e civ., 14 nov. 1990, nº 89-10210 ; Bull. civ. III nº 235). Si le propriétaire du fonds
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, et non à

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