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DROIT DES BIENS
Cette solution est parfaitement fondée. Il ne faut pas perdre de vue que l'accession
n'est jamais que l'un des moyens de résoudre une difficulté concrète, celle de
l'impossible jouissance exclusive d'une chose matériellement réunie à celle d'autrui.
Propriétaires du sol et de la construction se gênent nécessairement dans l'exercice
de leur droit de propriété respectif : la démolition ou l'accession apporteront
alors une réponse définitive au problème. Mais on conviendra que tant qu'un problème
n'existe pas, il est inutile de chercher à le résoudre : si le constructeur peut
continuer à jouir du terrain qui lui a été loué, il n'y a aucune raison pour que l'accession
se déclenche. Ce n'est donc que lorsque le droit de jouissance sur l'immeuble
disparaîtra que l'accession se produira au profit du bailleur56
, si toutefois
celui-ci n'a pas exigé la remise en état des lieux.
L'accession différée n'en a pas moins suscité une large incompréhension doctrinale.
Dès lors en effet que l'on voit dans l'accession un simple phénomène naturel,
il est impossible qu'une simple convention de bail, dont ce n'est d'ailleurs pas
l'objet, puisse contredire un fait. Le propriétaire du sol doit nécessairement devenir
propriétaire des constructions élevées par le preneur au fur et à mesure de leur
avancement, ce dernier pouvant tout au plus prétendre en jouir au titre de son
droit de bail. Diverses théories, plus ou moins coûteuses en termes de remise en
cause de la distinction des droits réels et personnels ont été proposées pour venir
à bout de la difficulté57
. Elles ont pour point commun de tenter de résoudre un
problème qui n'existe pas. L'accession n'étant pas automatique, il n'y a rien
d'étonnant à ce qu'elle ne soit mobilisée par les tribunaux qu'en cas de besoin,
c'est-à-dire à la cessation de la jouissance.
p. 2141, note B. TRAVELY et F. COLLARD ; RTD civ. 2012, p. 751, obs. Th. REVET et 2013, p. 148, obs.
W. DROSS. - Cass. 3e
civ., 11 oct. 1968, aff. Telesphore ; Bull. civ. III nº 377.
■ 56. En l'absence de toute clause du bail, c'est en principe à la cessation de la jouissance que devrait
s'opérer l'accession (sans qu'il soit utile d'en invoquer le jeu : Cass. 3e
civ., 27 mars 2002, nº 00-18201 ;
Bull. civ. III nº 78 ; JCP G 2003, I, 111, nº 20, obs. M. STORCK et 117, nº 2, obs. H. PÉRINET-MARQUET). La
Cour de cassation a généralement une approche plus théorique de la question. Elle distingue entre la simple
prorogation du bail qui, laissant se maintenir le lien de droit initial, empêche le jeu de l'accession
(Cass. 3e
civ., 4 oct. 1972, nº 71-20059 ; Bull. civ. III nº 493), et le renouvellement (ou la tacite reconducciv.,
27 sept. 2006, nº 05-13981 ; Bull. civ. III nº 183 ; D. 2007, p. 1188, note V. TELLIER ;
civ.,
tion) lequel, entraînant au contraire un nouveau bail, permet le jeu de l'accession au moment même où il
opère (Cass. 3e
JCP G 2007, I, 117, nº 5, obs. H. PÉRINET-MARQUET ; RDC 2007, p. 371, obs. G. LARDEUX. - Cass. 3e
25 févr. 2016, nº 14-26845 et nº 14-29085. - Cass. 3e civ., 23 nov. 2017, nº 16-16815 ; Bull. civ. III ;
D. 2018, p. 781 note F. ROUSSEL ; RDC 2018, p. 54, obs. J.-B. SEUBE et p. 105 obs. F. DANOS ; JCP G 2018,
p. 404, obs. H. PÉRINET-MARQUET ; JCP N 2017, 1341, note B. GRIMONPREZ ; RTD civ. 2018, p. 436, obs.
W. DROSS). - comp. en sens contraire : Cass. 3e
civ., 4 avr. 2002, nº 01-70061. - Cass. 3e
civ., 14 nov.
2012, nº 11-22982 ; D. 2013 p. 2123 obs. B.MALLET-BRICOUT et N. REBOUL-MAUPIN ; RTD civ. 2013,
p. 149, obs. W.DROSS), avec pour conséquence que le bailleur pourra exiger une augmentation de loyer
liée aux aménagements opérés par le preneur lui-même (Cass. 3e
civ., 14 nov. 2012, préc.), à charge en
théorie de payer l'indemnité d'accession dont en pratique cependant, une clause du bail le dispense quasiment
systématiquement (comp. en matière de bail commercial, C. com. art. R. 145-8 : les améliorations ne
sont prises en considération pour le montant du loyer renouvelé qu'à condition que le bailleur en ait assumé
directement ou indirectement la charge).
■ 57. Par ex., Th. LAMARCHE,« L'accession différée : une nouvelle approche des grandes classifications »,
RTD civ. 2006 p. 1 s. - J.-P. BERTREL,« L'accession artificielle immobilière. Contribution à la nature juridique
du droit de superficie », RTD civ. 1994 p. 737 s.
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