Précis Domat - Droit des biens - 6e - 394

DROIT DES BIENS
incorporelles. Leur créateur ne pourra donc prétendre continuer à exercer une
emprise sur celles-ci après les avoir valablement cédées.
460 Manifestation principale de cette dépendance : le droit moral. - Le lien
entre l'œuvre littéraire et artistique76
vers de la consécration du droit moral dont celui-ci dispose sur son œuvre77
, ne peuvent être ni cédées79
et son auteur se traduit essentiellement au tra.Le
droit
moral consiste en un ensemble de prérogatives attribuées à l'auteur sur son
œuvre, lesquelles, hors commerce78
perpétuelles80
héritiers les recueillant81
: la mort de l'auteur elle-même n'en provoque pas la disparition, ses
. Il faut donc souligner que ni la cession de l'œuvre, ni a
fortiori celle de son seul support, ne pourront dépouiller l'auteur ou ses ayants droit
de son droit moral.
Parce que l'œuvre est considérée comme un prolongement de la personnalité
même de l'auteur, il est logique que le droit moral comporte d'abord la possibilité
d'exiger que ce lien entre l'œuvre et son auteur soit porté à la connaissance des
tiers : l'auteur peut toujours imposer que sa paternité sur l'œuvre soit révélée82
Il peut pareillement veiller à ce que l'intégrité de son œuvre soit respectée :
.
attenter à l'œuvre, c'est attenter à la personne de l'auteur. Il pourra donc s'opposer
à toute altération de celle-ci au titre de son droit moral83
.
■ 76. Les logiciels, dont le régime est modelé sur le droit d'auteur (supra nº 439), sont l'objet d'un droit
moral atrophié : CPI, art. L. 121-7.
■ 77. Le droit moral a été consacré par la grande loi du 11 mars 1957, la Cour de cassation s'y étant
montrée auparavant hostile.
■ 78. Ce qui amène les auteurs à en faire un droit extrapatrimonial, et plus précisément un droit de la
personnalité, en dépit du fait qu'il puisse appartenir exceptionnellement à une personne morale (cas des
œuvres collectives).
■ 79. CPI, art. L. 121-1. - Cass. 1re
nº 21, Ch. Caron.
civ., 28janv. 2003, nº 00-20014 ; Bull. civ. I nº 28 ; CCE 2003, comm.
■ 80. La perpétuité du droit moral (CPI, art. L. 121-1) induit d'une part son absence de terme légal, d'autre
part son imprescriptibilité, tant extinctive qu'acquisitive. Seule l'action en réparation que peut exercer
l'artiste en cas d'atteinte ponctuelle à son droit moral obéit aux règles classiques de prescription.
■ 81. Sans toutefois toujours obéir à la dévolution successorale classique (CPI, art. L. 121-2 al. 2 pour le
droit de divulgation. - comp. la dévolution ordinaire des droits au respect de l'intégrité et de la paternité de
l'œuvre : Cass. 1re
discutable (si du moins on fait du droit moral un droit de la personnalité), ce qui explique sans doute que le
droit moral perde beaucoup de sa force à cette occasion (disparition des droits de repentir et de retrait,
contrôle du caractère abusif du refus de divulgation).
■ 82. Ce droit de paternité (CPI, art. L. 121-1) est au vrai assez général : il se retrouve sous une forme
atténuée pour les logiciels, les dessins et modèles (reconnaissance par le droit européen) et même les inventions
(CPI, art. L. 611-9). Il n'interdit pas la « négritude littéraire » : la convention est valable (Cass. 1re
5 mai 1993, nº 91-13664) mais le droit de paternité pourra être exercé, ce qui vaut violation de la convention
et expose alors le « nègre » qui a exigé que son nom figure sur l'œuvre à payer des dommages-intérêts.
■ 83. « Toute modification, quelle qu'en soit l'importance, apportée à une œuvre de l'esprit, porte atteinte
au droit de son auteur au respect de celle-ci » : Cass. 1re
civ., 5 déc. 2006, nº 05-11789 ; CCE 2007, comm.
nº 18, Ch. Caron, la formule étant certainement excessive. L'atteinte à l'œuvre ne passe pas d'ailleurs
nécessairement par une altération de sa forme : le contexte de son utilisation peut suffire à la caractériser
(pour l'insertion d'une chanson dans une compilation reprenant des artistes divers : Cass. soc., 8 févr. 2006,
nº 04-45203 ; Bull. civ. V nº 64 ; D. 2006, p. 1172, note Ph. ALLAEYS ; JCP G 2006, II, 10078, note T. AZZI ;
RTD com. 2006, p. 374, obs. F. POLLAUD-DULIAN.
394
civ.,
civ., 15 févr. 2005, nº 03-12159 ; Bull. civ. I nº 84). Le principe de cette transmission est
ni abdiquées et sont
Précis Domat - Droit des biens - 6e

Table des matières de la publication Précis Domat - Droit des biens - 6e
