Précis Domat - Droit des biens - 6e - 73

LA RÉUNION DES UTILITÉS DE LA CHOSE : LA PROPRIÉTÉ
anormal, il est apprécié souverainement par les juges du fond, sans tenir compte de
la prédisposition particulière du propriétaire victime155
tion qu'il donne à son immeuble156
mais eu égard à la destina.
Ainsi, celui qui a affecté son immeuble à l'habitation
pourra se plaindre d'un trouble anormal de voisinage lié au bruit produit
par une usine voisine alors qu'il ne le pourrait pas s'il usait lui-même de son fonds
à des fins industrielles. En revanche, le fait qu'il ait les nerfs fragiles n'entrera pas
en ligne de compte.
Un des points les plus controversés quant à la théorie des troubles de voisinages
est celui de l'incidence de la préoccupation. La question est simple : celui qui fait
construire un immeuble à usage d'habitation sur un fonds jouxtant une usine en
activité produisant des nuisances importantes est-il fondé à se plaindre par la suite
d'inconvénients anormaux de voisinage ? Quoi qu'il puisse en sembler au premier
abord157
, une telle action ne saurait lui être refusée, sous peine de créer une rupture
d'égalité entre les propriétaires. Admettre l'avantage de la préoccupation reviendrait
en effet à permettre au premier occupant de faire l'usage qu'il souhaite de
son fonds, et corrélativement à dénier à ses voisins le même droit, sauf alors à supporter
des troubles pourtant jugés anormaux158
. Le souci de favoriser les activités
). Très
économiques, même lorsqu'elles sont factrices de troubles excessifs, a néanmoins
conduit le législateur à prévoir une solution contraire (CCH, art. L. 112-16159
cassation. - Cass. 2e civ., 24 févr. 2005, nº 04-10362 ; Bull. civ. II nº 50 ; JCP G 2005, II, 10100, note
F.-G. TRÉBULLE ; I, 149, nº 10, obs. G. VINEY et I, 181, nº 5, obs. H. PÉRINET-MARQUET, pour un dépôt de
paille à proximité du fonds voisin, faisant courir un risque d'incendie. - pour les antennes de téléphonie
mobile, par ex., CA Versailles, 4 févr. 2009, D. 2009, p. 1369, note J.-Ph. FELDMAN ; RLDC 2009, nº 3374,
note Ch. QUEZEL-AMBRUNAZ. - Cass. 3e
civ., 24 avr. 2013, nº 10-28344 ; D. 2013, p. 2136, obs.
N. REBOUL-MAUPIN pour un risque de glissement de terrain. - V., pour la critique (juridique, économique
et politique) de cette jurisprudence, Ph. Stoffel-Munck, « La théorie des troubles du voisinage à l'épreuve
du principe de précaution », D. 2009, p. 2817 s.
■ 155. V., se référant au niveau sonore tolérable pour « un homme normal », Cass. 2e
nº 66-11568 ; Bull. civ. II nº 122 ; JCP G 1969, II, 15595, note M. DE JUGLART et E. DU PONTAVICE.
■ 156. Cass. 2e
cision gêné par des trépidations en provenance du fonds voisin.
■ 157. On est en effet spontanément tenté d'opposer à celui qui se plaint d'un trouble anormal de voisinage
alors qu'il a acquis le fonds ou l'a fait construire en parfaite connaissance de l'existence d'une activité
nuisible à ses portes, son acceptation tacite du trouble pour lui refuser toute réparation.
■ 158. Si la jurisprudence s'est prononcée en ce sens (Cass. 2e
nº 168), elle tempère cependant parfois l'analyse en imputant à faute de s'être installé en connaissance de
cause à proximité d'une source de troubles, afin de modérer l'indemnisation due au titre des troubles anormaux
de voisinage (Cass. 2e
(Cass. 3e civ., 14 nov. 1985, JCP G 1986, IV, p. 42). Il faut regretter que, par le détour de la responsabilité
civile, soit remise en cause une règle essentielle du droit des biens, celle de l'égalité entre les propriétaires
dans les utilités qu'ils peuvent prétendre tirer de leur chose. Il n'y a aucune faute à affecter son fonds à une
destination qui ne cause pas de trouble anormal de voisinage.
■ 159. « Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles,
industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque
le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique
constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant
dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en
vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions ».
Première partie : Les rapports de la personne aux choses
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civ., 8 mai 1968, nº 66-11568 ; préc.) voire de la supprimer entièrement
civ., 29juin 1977, nº 76-10853 ; Bull. civ. II
civ., 8 mai 1968,
civ., 16 juill. 1969, aff. Martin ; Bull. civ. II, nº 257, pour un fabricant d'appareils de pré
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