Manuel - Grands systèmes de droit contemporains - 5e - 312

GRANDS SYSTÈMES DE DROIT CONTEMPORAINS
sultans légiférèrent librement. À partir de Mehmet II (1444-1481), ils
adoptèrent des codes en matière pénale et fiscale qui ne faisaient pas
référence au droit islamique et le contredisaient, en particulier en retenant
des peines inconnues du droit islamique et en assouplissant le droit
de la preuve. Le droit musulman classique demeurait applicable dans les
matières n'ayant pas fait l'objet de législation (Qanun). Le droit variait,
dans ces matières, selon le rite de la population concernée, les Ottomans
n'ayant pas imposé le rite hanéfite aux populations conquises. Afin de
justifier cette application partielle du droit islamique, les juristes hanéfites
admettaient l'application de la coutume, ainsi que le droit du sultan de
légiférer dans l'intérêt général.
581. Droit applicable : retour du droit musulman. - Le déclin de
l'Empire se manifesta au XVII siècle par un déclin progressif de la législae
tion
ottomane. Les codes ne furent tout d'abord plus amendés ou mis à
jour. Puis, le pouvoir politique recherchant le soutien des juristes musulmans,
les codes furent corrigés pour se conformer au droit islamique.
Finalement, en 1696, le Sultan déclara toute loi contraire à la Shari'a invalide.
Le droit islamique classique était alors théoriquement seul applicable.
582.
Institutions judiciaires. - Le juge par excellence, dans le
monde ottoman et plus généralement dans le monde musulman35
, était
le cadi. Il n'était cependant pas le seul à dispenser la justice. La justice
administrative, c'est-à-dire politique et pénale, était rendue par le gouverneur
de la province, qui tenait régulièrement audience. Ses décisions pouvaient
faire l'objet d'un recours auprès du pouvoir central, c'est-à-dire
directement devant le sultan ou son grand vizir. Le cadi dispensait la justice
civile, même si le gouverneur lui renvoyait parfois les cas trop complexes,
même en matière pénale. Il appliquait donc principalement le
droit islamique. À partir du XIV
e siècle, une véritable hiérarchie judiciaire
fut progressivement mise en place. Chaque province comprenait un cadi
suprême, qui répondait devant le pouvoir central. À Istanbul, le juge
suprême de l'Empire fut le grand vizir, puis le mufti d'Istanbul. Le cadi
n'était pas seulement juge, mais encore un administrateur en charge de
nombreuses autres fonctions (notariat, approvisionnement de l'armée
locale, surveillance des immeubles, des autres fonctionnaires, des marchés,
etc.). Il était nommé pour une période courte, un an ou 20 mois,
par le cadi suprême de la province ou le pouvoir central, à partir d'une
liste de personnes comprenant les diplômés des écoles coraniques.
583. Occidentalisation : institutions judiciaires. - Au XIX siècle, le
e
pouvoir ottoman s'attacha à réformer l'Empire, en partie en raison de
pressions européennes, mais surtout à l'initiative des élites internes. Sur
le plan institutionnel, le modèle français eut une grande influence. Il
influença la réforme de l'administration locale, mais aussi celle de la
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35. Supra, nº 541.
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