Manuel - Grands systèmes de droit contemporains - 5e - 348

GRANDS SYSTÈMES DE DROIT CONTEMPORAINS
659. Caractères. - La coutume n'est reconnue par les juges de l'Inde
traditionnelle que si elle remplit un certain nombre de conditions. Il doit
en effet être établi, classiquement, que la règle est ancienne, et qu'elle est
considérée comme obligatoire dans le groupe social considéré. Ni la partie
demanderesse, ni la partie défenderesse ne doivent par ailleurs avoir
renoncé à son application. Plus remarquablement, la coutume doit
encore être compatible avec le droit sacré. Le cercle vicieux n'est ici
qu'apparent : la coutume l'emporte sur le droit sacré lorsque les divergences
sont de détail, mais elle ne peut consacrer des règles essentiellement
contraires à ses préceptes fondamentaux. Par exemple, la règle coutumière
ayant autorisé le mariage entre une femme appartenant à une
caste supérieure et un homme appartenant à une caste inférieure n'était
probablement pas susceptible d'être appliquée dans un royaume hindouiste,
car elle remettait en cause l'une des conséquences de l'important
système des castes15
. Au final, le droit sacré demeure donc la norme
suprême.
660. Exemples de coutume écartant le droit sacré : mariage. - Le
droit hindou traditionnel du mariage fut largement modifié par la coutume.
Les textes sacrés prévoyaient huit formes de mariage ; des coutumes
en rajoutèrent de nombreuses autres. Les textes sacrés prévoyaient
que l'épouse devait être pubère ; des coutumes autorisèrent le mariage
avec les enfants afin de préserver leur virginité. Les textes sacrés prévoyaient
un mariage monogame ; des coutumes autorisèrent le mari hindou
à prendre autant de femmes qu'il le désirerait.
4. Perception personnelle de la rectitude16
661. Conscience individuelle. - La dernière source du droit hindou
est la conscience individuelle de chaque personne de confession hindoue.
Il appartient en effet à chacun de déterminer, en son âme et conscience,
si un comportement est ou n'est pas adéquat. Ce droit de déterminer seul
l'adéquation des comportements n'équivaut en aucun cas à un blancseing
octroyé aux individus. Ces derniers doivent se déterminer en prenant
en considération les exigences de la communauté et de la vision du
monde de l'hindouisme. En d'autres termes, ils sont les meilleurs juges
non de leurs desiderata, mais des solutions particulières consacrées par
le droit hindou.
Cette source du droit hindou est la plus remarquable. Il semble en effet
difficilement concevable d'octroyer un pouvoir normatif à chaque citoyen.
Lingat en avait d'ailleurs déduit que cette source n'en était pas véritablement
une17
. Il est vrai que le droit hindou paraît n'avoir fait véritablement
confiance au libre arbitre des hindous qu'au cours d'unepartie deson
15. J. D. M. DERRETT, op. cit.,p. 158.
16. W.MENSKI, Comparative Law in a Global Context, Cambridge University Press, 2e
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éd., 2006, p. 216 et s.
17. R. LINGAT, op. cit., p. 20. Adde N.C. GUPTA, Law and Society in Ancient India, 1986, p. 81, qui limite le
domaine de cette source aux règles offrant une liberté d'action aux justiciables.

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