Avocat & Pratique professionnelle - Le droit du dommage corporel - 2e - 130

LE DROIT DU DOMMAGE CORPOREL
aux conclusions des parties85
: il doit trancher le point, éventuellement en ordonnant une
nouvelle expertise.
Le juge n'est, d'une manière générale, absolument pas tenu par un rapport d'expertise :
qu'il s'agisse d'imputabilité, de taux, de date de consolidation, le juge, tant qu'il ne
dénature86
pas ledit rapport, peut parfaitement substituer sa propre appréciation à celle
de l'expert. Le juge ne commet aucune dénaturation lorsqu'il reste sur le terrain juridique,
par exemple, pour l'appréciation de la faute. En revanche, la Cour de cassation retient une
dénaturation s'il s'aventure dans le domaine médical, pour faire dire au rapport d'expertise
ce qu'il ne dit, comme dans cette espèce où le juge estime que le rapport n'établit
pas un score de Bishop favorable pour le déclenchement d'un accouchement, alors que
le rapport d'expertise le situait comme étant égal ou supérieur à 7, ce qui était
favorable87
. Devant le Conseil d'État est annulé l'arrêt qui dénature les faits de l'espèce,
dans la mesure où il limite l'assistance par tierce personne à douze heures par jour,
« alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis et notamment des constatations
de l'expert judiciaire et du médecin-conseil du centre hospitalier que l'état de
l'enfant, atteint d'un déficit fonctionnel supérieur à 95%, nécessite en permanence une
aide humaine pour la satisfaction de ses besoins vitaux »88
.
Il est même un cas où la vérité juridique se situe nécessairement en opposition avec les
conclusions de l'expert : lorsque l'accord des parties est en contradiction avec le rapport
d'expertise. Dans un telcas, lejugenepeut que constaterl'accord des parties. Par
exemple, doit être cassé pour violation de l'article 4 du Code de procédure civile l'arrêt
qui fixe une date de consolidation conformément au rapport d'expertise, alors que les
parties s'accordaient pour dire que l'état de la victime ne s'était pas stabilisé avant son
décès89
.
Des formalités sont prévues pour que l'expert soit rémunéré (CPC, art. 284 ; CJA,
art. R. 621-11). Sur sa demande, il peut obtenir une copie du jugement rendu au vu de
son avis (CPC, art. 284-1). L'expert doit restituer les pièces non matérialisées s'il n'en a
été dispensé ; à défaut, il est en faute et engage sa responsabilité90
.
131 Bibliographie
* J. HUREAU,D. POITOUT (dir.), L'expertise médicale en responsabilité médicale et en réparation
d'un préjudice corporel,3e
ment d'éthique et de déontologie expertale (pp. 35-100), des différents types d'expertises
et d'experts (pp. 101-158) et de l'évaluation du dommage corporel (pp. 329-448).
* M. DEVELAY,« L'évaluation du dommage corporel : dialogue du juriste et de l'expert »,
in Des spécificités de l'indemnisation du dommage corporel, travaux du GRERCA,
Larcier, 2017, p. 223.
85. Voir Cass. 1re civ., 1er juill. 2020, nº 19-50028 : dans cette espèce atypique, la Cour de cassation se prononce sur la chance
qu'avait une victime d'obtenir la cassation d'un arrêt d'appel, qui, faute d'indication du médecin expert, n'avait pas recherché si
la baisse d'une acuité visuelle ne devait pas nécessairement être attribuée aux conséquences d'une agression, chance perdue
en raison de la déchéance d'un pourvoi pour défaut de notification.
86. Pour un exemple de dénaturation : Cass. 2e
87. Cass. 1re civ., 8 sept. 2021, nº 20-13773.
civ., 8 oct. 2020, nº 19-10158.
88. CE, 5e-6e ch., 2 avr. 2021, nº 427283, voir spécialement le nº 5.
89. Cass. 2e
90. Cass. 1re
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civ., 25 juin 2020, nº 18-24800.
civ., 5 oct. 2022, nº 21-12542.
éd., Masson, 2010. Cet ouvrage collectif traite notam
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