Avocat & Pratique professionnelle - Le droit du dommage corporel - 2e - 448

LE DROIT DU DOMMAGE CORPOREL
* G. WESTER, Les principes de la réparation confrontés au dommage corporel, th. Lyon 3,
Bibliothèque droit privé, LGDJ, juin 2023,, défend l'idée de l'existence d'une pluralité
de principes, bien au-delà du seul principe de réparation intégrale, qui doivent
s'appliquer à la matière dans sa totalité, que l'indemnisation soit allouée par une
voie transactionnelle ou par une décision de justice.
* M. DENIMAL, La réparation intégrale du préjudice corporel : réalités et perspectives,
th. Lille 2, 2016, réfléchit notamment sur l'éclatement de la matière en régimes
spéciaux, et sur l'intérêt de l'adoption, envisagée par les réformes, d'outils uniques
d'évaluation des préjudices.
* M.S. BONDON, Le principe de réparation intégrale du préjudice : Contribution à une
réflexion sur l'articulation des fonctions de la responsabilité civile, PUAM, 2020,
soutient, à la faveur d'une réforme à venir de la responsabilité civile, la clarification
des règles d'évaluation des préjudices.
B. L'individualisation de la réparation
444 La prohibition des barèmes : le jeu de dupes. La réparation ne peut être intégrale que
si elle est individualisée ; il s'agit en effet de restaurer la victime dans ses droits, et cette
opération ne peut se satisfaire d'une standardisation qui ne pèserait pas au trébuchet
chaque situation singulière. Pour autant, ont été régulièrement mentionnés divers guides,
barèmes, et autres référentiels, qui ne sont qu'une partie émergée de l'iceberg, chaque
service, chaque juridiction, ayant ses repères chiffrés propres dont l'application doit
permettre une réparation dite intégrale. Il s'agit d'un jeu de dupes, une sorte de bonneteau :
les référentiels et barèmes sont largement utilisés - y compris par les avocats de victimes
dont les associations représentatives clament pourtant leur hostilité de principe à ceux-ci -
mais leur usage ne doit pas apparaître dans la décision finale. L'individualisation de la
réparation est maltraitée par ces barèmes ; cela a été évoqué pour le déficit fonctionnel
permanent21
:si le taux d'AIPP est fixé par le médecin expert par référence à un barème
médico-légal, et que ce taux est automatiquement transformé en indemnisation par le
juge, lasingularitédelavictime disparaît.
Porter une appréciation sur le procédé est délicat : des référentiels connus de tous ont
pour vertu d'harmoniser la jurisprudence, et d'éviter que le chiffre de l'indemnisation ne
varie considérablement d'un jugeàl'autre, d'un ressort à un autre. Dans cette perspective,
l'article 1271 du projet de la Chancellerie de mars 2017 prévoit la création d'un référentiel
indicatif d'indemnisation ; prenant de vitesse le législateur, un projet nommé
« DataJust » a été tenté par la Chancellerie22
, mais finalement abandonné devant la
complexité de la tâche. Cette place laissée vacante permet à nombre de sociétés privées
de fournir des données chiffrées de jurimétrie sur l'indemnisation du dommage corporel.
Plutôt que de masquer sous un voile pudique le recours absolument généralisé aux
barèmes et référentiels, mieux vaudrait les assumer pleinement, afin qu'ils constituent
une base de discussion ; aux parties ensuite de faire valoir leurs arguments pour que
l'indemnisation soit inférieure ou supérieure aux chiffres du référentiel. Le caractère
21. Cf. supra nº 240, v. supra nº 241.
22. Décret nº 2020-356 du 27mars 2020 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel
dénommé «DataJust » ; Une demande de suspension en urgence a été faite, mais rejetée : CE, 26mai 2020, nº 440378.
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