Systèmes - Droit constitutionnel britannique - 3e - 200

Droit constitutionnel britannique
décisionnel lourd et long que constitue l'élaboration de la loi. In fine,
l'habilitation donnée à l'Exécutif pour légiférer est un gage de rationalisation,
d'efficacité et de sécurité juridique (en particulier en cas
d'urgence comme pendant les périodes de pic de la pandémie de
Covid-19). Convenablement maîtrisée, la délégation ne heurte pas
réellement les principes de souveraineté du Parlement et de la
séparation des pouvoirs. Dès lors que les assemblées établissent
un cadre rigoureux à la délégation (étendue, conditions et restriction
temporelle), le Parlement est forcément amené à l'évaluer a priori,
durant son recours, et a posteriori.Le Statutory Instruments Act de
1946 a été adopté à cette fin, de même que la création de commissions
parlementaires spécialement chargées de la question. Ces
dispositifs ne couvrent toutefois pas toute la législation déléguée.
Les risques d'un contrôle insuffisant de la législation déléguée
sont une préoccupation constante et croissante. La loi d'habilitation,
si elle s'avère générale et sans véritable substance - skeleton legislation
- peut conférer à l'Exécutif une trop grande latitude. Plusieurs
parlementaires ont, par exemple, critiqué à juste titre les risques
d'une telle dérive dans le cadre du Brexit. En effet, afin de mettre
un terme à une construction juridique de 43 ans, l'Exécutif a envisagé
un recours massif à la législation déléguée. Invoquant les nombreuses
inconnues liées aux conséquences du Brexit, le gouvernement
profite de l'occasion pour dessaisir le Parlement de ses
compétences et « recentraliser » des politiques européennes auparavant
prises en charge par les autorités dévolues. Ce n'est pas le
moindre des paradoxes du Brexit que de favoriser ce contre quoi
les électeurs avaient notamment voté, à savoir l'accaparement du
pouvoir par une élite gouvernementale technocrate et europhile. La
pandémie de Covid-19 a aussi été un vecteur considérable de production
de législation déléguée. Il faut noter que, si l'urgence et la
gravité de la crise l'expliquent, le contrôle juridictionnel de ces
mesures peut être considéré comme trop limité après la consécration
par le Cour suprême du principe d'accountability dans sa décision
Miller 2.
Les pouvoirs législatifs de l'Administration sont en fait devenus le
principe, principalement via les Statutory Instruments (type de législation
déléguée répondant aux critères de la loi de 1946 précitée). En
2021, 1494 SI ont été élaborés, 1669 en 2020 et 1518 en 2019. Dans la
majorité des cas, seule une résolution expresse de l'une des deux
chambres intervenues dans les 40 jours du dépôt des Si (soit au
stade de projet ou au stade de leur finalisation) peut les bloquer
200
Systèmes - Droit constitutionnel britannique - 3e

Table des matières de la publication Systèmes - Droit constitutionnel britannique - 3e
