Systèmes - Droit constitutionnel britannique - 3e - 207

Le Parlement
exemples du manque de clarté du régime applicable à la liberté
d'expression parlementaire. De jurisprudence constante, le lord ou
le MP tenant des propos attentatoires à l'honneur ou à la considération
d'autrui au Parlement, puis repris à l'extérieur, peut faire l'objet
d'un procès en diffamation44
. En 2014, la Court of Appeal est revenue
sur cet acquis par un jugement Makudi v Baron Triesman of
Tottenham45
en reconnaissant une exception au principe révélé en
1794. Une distinction subtile a été formulée par la Cour. Pour déterminer
si les paroles exprimées en dehors de l'enceinte parlementaire
sont protégées par l'article 9 du Bill of Rights, il convient de
savoir si la répétition est purement gratuite ou si elle est justifiée
par un intérêt public. Ce n'est que dans le second cas que l'immunité
s'impose, dès lors qu'en sus de l'intérêt public suffisant, il était
prévisible que le parlementaire allait reprendre son argumentaire.
La position du Lord Justice Laws est critiquable, car le Bill of Rights
s'applique dans le cadre des procédures ou des séances parlementaires
selon les termes de l'article 9. Certains échanges entre les
parlementaires et les membres de l'Exécutif, tout en ayant lieu
hors du Parlement, ont un contenu politique lié aux fonctions des
uns et des autres. Faut-il s'en tenir à la nature des propos tenus,
qui justifierait une application du privilège, ou à une dimension formelle
- le lieu de l'échange - pour l'exclure ? Les discussions en
cause doivent avoir un lien étroit avec des débats parlementaires.
L'identification du rapport entre le propos et les débats ou les procédures
parlementaires est donc la pierre d'achoppement à l'origine
de la majorité des contentieux46
.
Il appartient finalement aux Chambres d'assurer leur propre discipline,
la régulation des débats qui s'y tiennent et la légalité du
déroulement de la procédure législative (British Railways Board v Pickin,
1974 : il s'agit d'un véritable droit sanctionné par les chambres
elles-mêmes). Le Speaker des Communes joue un rôle déterminant
en pouvant nommer un parlementaire pour non-respect de la discipline
et adopter les sanctions idoines (le « naming » consiste à interpeller
un MP par son nom et non sa circonscription comme il est de
coutume de le faire dans les débats). Il peut être constaté un « breach
of privilege » dont la liste quasi exhaustive est fixée par le traité d'Erskine
May. La désobéissance aux règles et aux ordres de la Chambre,
le fait de présenter un faux au Parlement, de se battre en son sein ou
44. R v Lord Abingdon,1794 ; R v Creevey, 1813.
45. Makudi v Baron Triesman of Tottenham, [2014] EWCA Civ 179 ; [2014] 2 WLR 1228.
46. V. Rost v Edwards, 1990 ; Buchanan v Jennings [2005] 1 AC 115.
207
Systèmes - Droit constitutionnel britannique - 3e

Table des matières de la publication Systèmes - Droit constitutionnel britannique - 3e
