Hors-collection - L'enseignement du droit aujourd'hui - 103

Le droit public, un enseignement émancipé ?
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aux procédures civile et criminelle, l'histoire des enseignements universitaires de
procédure révèle un processus constant d'unification et de généralisation, corrélé à
la montée en puissance des sources constitutionnelles et internationales, au point
de voir apparaître de nouvelles dénominations (« droit judiciaire privé », « droit
processuel ») témoignant de l'accès de la procédure au rang de discipline à part
entière172
. Comme les cours d'introduction au droit, ceux de « droit processuel »
continuent dès lors d'être enseignés par des professeurs de droit privé, dans le
prolongement des grands noms de la doctrine privatiste (Vizioz, Motulsky, Martin)
qui sont partis jadis de l'étude de la procédure civile pour forger la « théorie générale
du procès ».
Cette tutelle a de nouveau eu inévitablement un effet sur le sort réservé à l'enseignement
du droit public. Elle a longtemps joué en défaveur de toute discipline
qui ne pouvait revendiquer un lien avec la réalisation juridictionnelle des droits,
comme la science financière ou le droit des gens. À l'inverse, elle s'est montrée
favorable à l'enseignement du droit administratif. Si cette discipline est la seule
matière de droit public à avoir été enseignée de manière continue à partir de
1828 dans toutes les facultés françaises de droit, ce n'est point le fruit du hasard.
Avant 1872, au temps de la justice retenue, même si l'on estimait que le Conseil
d'État et les conseils de préfecture n'étaient pas d'authentiques institutions judiciaires,
il n'en reste pas moins que l'apparition d'une jurisprudence publiée et
commentée et la publication des conclusions des commissaires du gouvernement
ont au moins montré que le droit administratif avait son jumeau contentieux
et pouvait fournir une « matière première » pour catégoriser ce droit à partir des
raisonnements conduits devant un juge, comme l'illustrent les enseignements
de Serrigny ou d'Aucoc173
. Après l'attribution de la justice déléguée par la loi du
24 mai 1872, une telle approche s'est fatalement enracinée et nul n'est besoin
de s'étendre longuement sur le rôle d'Edouard Laferrière, alors vice- président
du Conseil d'État, dans l'ancrage d'une présentation organisée du droit administratif
grâce à l'exploitation systématique de la jurisprudence administrative,
donnant naissance à cette « manière française de faire du droit administratif », à
cette approche contentieuse seule à même de donner au droit administratif une
authentique substance juridique174
. Cent quarante ans plus tard, les propos de
172. L. Cadiet, « La procédure comme discipline. De structuration en recompositions », in F. Audren,
S. Barbou des Places (dir.), Qu'est- ce qu'une discipline juridique ?, op. cit., p. 295.
173. J.-J. Bienvenu, « Les origines et le développement de la doctrine », Rev. adm. 1997, n° spécial,
« Le Conseil d'État et la doctrine », p. 13.
174. F. Melleray, « Le pacte faustien du droit administratif », in Des racines du Droit & des contentieux.
Mélanges en l'honneur du professeur Jean- Louis Mestre, Paris, éd. L'Épitoge, 2020, t. II, p. 177 ; « Faut- il
tuer Édouard Laferrière ? », in J.-M. Pontier et U. Ngampio- Obélé- Bélé (dir.), Le droit administratif
aux défis du xxie
siècle, Paris, IFJD, 2022, p. 173.
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