Hors-collection - L'enseignement du droit aujourd'hui - 235

L'enseignement du droit dans les Facultés de droit
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toujours créer plus de droit »114
. Il termine par évoquer cette perspective terrible
de la scolarisation universitaire, « ce régime qui semblait s'annoncer » : « avec encore
plus d'heures assises, un régime d'assiduité contrôlée et la notation continue »115
. Que
dirait aujourd'hui Jean Carbonnier de la situation actuelle décrite par les étudiants,
cités plus haut... ? Le fait que les deux esprits les plus originaux des facultés de
droit de cette époque, Jacques Ellul, d'un côté, et Jean Carbonnier, furent hostiles
à la réforme de 1954 devrait nous faire encore réfléchir aujourd'hui.
thèse : Il faut résister à la professionnalisation des études de droit.
Le thème est délicat car cette professionnalisation des études de droit est réclamée
8e
non seulement par les professionnels du droit, mais aussi par les étudiants en
droit. Ceux qui sont intervenus au colloque de Nice (v. supra) revendiquent « une
véritable professionnalisation des études de droit » et estiment que la technicité
des savoirs dispensés à la faculté « n'est pas adéquate au désir d'être immergé dans
le monde du travail »116
. Cette revendication est ancienne et elle est d'autant plus
puissante qu'elle est liée à la spécialisation du droit. Mais vouloir professionnaliser
à tour prix les études de droit pour coller aux désirs convergents des professionnels
du droit et des étudiants est une chimère car cela suppose d'identifier les besoins
de la pratique. Or, cette pratique évolue toujours et on ne peut pas calquer l'organisation
d'un enseignement du droit rationnel sur une demande d'adaptation aux
besoins impossible à satisfaire117
.
On peut néanmoins se demander pourquoi les praticiens, les avocats notamment,
sont si déterminés à obtenir des étudiants immédiatement prêts à exercer
la pratique. Il y a une explication, passée sous silence parce qu'elle est triviale et
difficile à assumer publiquement : les praticiens ne pratiquent plus l'enseignement
par compagnonnage. Autrement dit, au sein des cabinets modernes118
, les
aînés n'apprennent plus le métier à leurs cadets, c'est- à-dire aux jeunes juristes
frais émoulus des écoles, car time is money. Les praticiens veulent des diplômés
« prêts à l'emploi », si l'on peut dire, et ils entendent donc déléguer aux facultés
de droit un travail qu'ils faisaient auparavant sur le mode du compagnonnage et
que, désormais, ils ne veulent plus faire pour des raisons de pure rentabilité. On
ne voit pas pourquoi l'État ferait un tel cadeau aux professionnels du droit..., au
114. Ibid., p. 32.
115. Ibid.
116. O. Nayrand, M. Scarbonchi, art. préc., p. 93.
117. Nous renvoyons à notre art. précité, cosigné avec Rémy Libchaber, « Où va l'université ? »,
p. 1224 et s.
118. On peut vérifier une telle assertion en lisant (ou en écoutant) les souvenirs des grands avocats,
qui insistent beaucoup sur leur Maître, c'est- à-dire l'avocat qui leur ont appris le métier « sur le tas ».

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