Hors-collection - L'enseignement du droit aujourd'hui - 274

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L'enseignement du droit aujourd'hui
La question a donné lieu récemment à des débats complexes62
qui touchent
notamment à l'universalité des concepts de souveraineté, d'égalité, d'État de droit.
Et si sa pertinence ne doit pas être sous- estimée, il importe d'en mesurer la portée
exacte. D'une part, bien avant l'implantation du droit français au Liban, lors
des réformes entreprises par l'empire ottoman, et plus connues sous le nom de
Tanzîmât, les autorités ottomanes avaient déjà reconnu aux ressortissants de l'empire
un certain nombre de droits et de libertés qui seront consacrés par les rescrits
de 1839, de 185663
, puis par la Constitution de 187664
droits occidentaux, ces concepts étaient déjà à l'œuvre dans la région au xixe
même si le droit français contribua incontestablement à partir du xxe
et à les développer.
. Largement inspirés des
siècle,
à les enrichir
D'autre part, et quelle qu'en soit la source, le défaut d'effectivité de certains
principes ne permet pas, à lui seul, de conclure à leur illégitimité ; la critique justifiée
des transpositions serviles n'impose pas de succomber pour autant au danger
du relativisme des valeurs65
.
23. Enfin, au- delà de ces considérations, ce n'est pas tant la légitimité de
l'enseignement du droit français qui paraît en cause aujourd'hui au Liban, mais
bien davantage celle de l'enseignement du droit tout court.
La survie de celui- ci dans les lieux de non- droit fait peser en effet sur les universitaires
des obligations un peu particulières. Il leur faut accepter avec humilité le
contraste saisissant entre ce qui est exposé dans les amphithéâtres et ce qui s'observe
tous les jours dans la réalité. L'exercice, pas toujours facile, présente néanmoins
l'intérêt de faire ressortir en creux une fonction essentielle de l'enseignement du
droit dans les sociétés vulnérables : celle de contribuer au maintien en éveil « de
la conscience juridique »66
.
62. V. le dossier récemment consacré aux institutions libanaises par la RDP 2022, « Les institutions
libanaises : une histoire centenaire », p. 1518 et s.
63. Sur le Hatti- houmayoun du 18 février 1856 qui proclame notamment la liberté de culte, l'égalité
entre tous les citoyens de l'empire sans distinction de religion, tout en maintenant aux communautés non
musulmanes les privilèges qui leur étaient reconnus jusque- là, v. P. Dumont, « La période des Tanzîmât »,
in Histoire de l'empire ottoman, R. Mantran (dir.), Fayard, 1989, p. 497 et s. ; E. Rabbath, La formation
historique du Liban politique et constitutionnel, Publications de l'université libanaise, Beyrouth 1973, p. 41.
64. Sur ces différents textes, v. O. Moreau, « Notion et nature de l'État, de l'héritage ottoman aux
réformes constitutionnelles modernes », Les cahiers de l'Orient, 2013, n° 2, p. 117 et s. ; et sur le constitutionnalisme
sous l'empire ottoman, v. E. Kaynar, « Le constitutionnalisme au Moyen- Orient. Des
Tanzîmät à la révolution jeune- turc », Politika 2016.
65. Pour de plus amples développements sur la question, v. L. Gannagé, « La Faculté de droit de
l'université Saint- Joseph de Beyrouth. Retour sur une institution centenaire », art. préc., spéc., p. 1619.
66. Sur laquelle, v. P. Huvelin, leçon inaugurale de l'École française de droit de Beyrouth, in Livre
du vingt- cinquième anniversaire de l'École française de droit de Beyrouth, Mélanges à la mémoire de Paul
Huvelin, Sirey, 1938, p. 1 et s., spéc., p. 7.
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