Hors-collection - L'enseignement du droit aujourd'hui - 302

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L'enseignement du droit aujourd'hui
La citation des Philippiques est très éloquente. À l'instar de Cicéron, Budé
estimait que Servius Sulpicius était un exemple remarquable d'équité. Fort de
cette dernière, ce jurisconsulte romain s'abstenait de produire des formules de
procédure et de causer des procès inutiles. Il était donc en mesure d'amener son
interprétation des lois à l'équité, c'est- à-dire à la justice, dans chaque affaire à
Rome. Budé comprenait ainsi que c'était la raison pour laquelle Cicéron le qualifiait
de justitiae- consulte.
Budé ne tarda pas à comparer ce jurisconsulte romain avec les praticiens français
qui, à ses yeux, ne connaissaient rien à la justice et étaient, de ce fait, responsables
du désastre de son temps :
Si des jurisconsultes modernes semblables à lui [Servius] existaient, c'est- à-dire s'ils
s'étaient appliqués autant à l'équité qu'au droit strict, ils ne désireraient pas être, ni être
considérés comme des juris- consultes mais plutôt comme des justitiae- consultes ; ils ne
laisseraient pas non plus d'immenses et nombreuses œuvres remplies de commentaires
du droit, copeaux allumant des différends30
.
Budé déclarait ainsi : « par un amas de cette sorte d'œuvres inutiles [de commentaires],
la majesté première et authentique de la jurisprudence est ensevelie »31
. Il
s'opposait dès lors fermement aux commentaires du droit inutiles à la réalisation de
la vraie justice. Alors, comment envisagea- t-il de restaurer cette « majesté première
et authentique » du droit romain en France ? Il ne proposa pas de s'attaquer directement
au texte du droit romain. Au contraire, sa proposition consistait à faire le
détour, c'est- à-dire à s'appliquer au préalable aux studia humanitatis.
Il suffit ici d'évoquer trois éléments que Budé considérait comme primordiaux.
En premier lieu, il était convaincu de la nécessité de l'élégance du latin des jurisconsultes
romains. Il prêcha donc le rétablissement de la « latinité » de la langue
juridique au sein des cours de justice en France. Le bon usage du latin, appris par
la lecture de la littérature antique, était l'une des conditions de possibilité de la
réalisation de l'idée antique de justice. Budé proposa aussi de restaurer la capacité
de méditer sur les choses nobles chez les praticiens : en effet, si les jurisconsultes
romains pouvaient réaliser la justice, c'était, selon lui, parce que, en se consacrant
eux aussi aux studia humanitatis, ils n'étaient pas seulement en mesure d'exprimer
leurs idées avec les termes appropriés, mais également capables de concevoir l'idée
30. Ibid., f. 4C : « Huic si similes neoterici Iurisconsulti extitissent, id est, si tam aequi bonique studiosi
quam iuris summi fuissent, nec magis se iuris quam iustitiae consultos uideri et esse exoptassent: immensa illa
et numerosa commentariorum iuris volumina haud quaquam reliquissent, materiem et fomitem accendendarum
litium ».
31. Ibid. : « Huiusmodi librorum bona ex parte superuacaneorum congerie, prisca illa germanaque maiestas
iuris prudentiae obruta est ».

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