Hors-collection - L'enseignement du droit aujourd'hui - 78

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L'enseignement du droit aujourd'hui
Georges Vedel, etc.)95
, cette réforme de 1954 s'explique surtout par l'aubaine que
constitue aux yeux de ses promoteurs une matière comme le droit constitutionnel,
où le prisme institutionnel paraît si facile à mettre en œuvre pour favoriser des
études concrètes (ici des acteurs de la vie politique : électorat, partis, élites, dirigeants,
etc.) et faire prendre conscience, à peu de frais, que le droit n'est jamais
tout entier enfermé dans les textes. En l'espèce, l'exemple portera ses fruits au- delà
des espérances, la spécificité de l'objet du droit constitutionnel ayant permis de
diffuser pendant de longues années l'idée que le texte constitutionnel n'avait pas
même de signification propre indépendamment des pratiques politiques et des
usages qu'en faisaient ses acteurs. Cette approche politiste et institutionnaliste
produisit des effets profonds et durables, confortés par l'inévitable stabilité des
contenus enseignés par rapport aux évolutions de la réflexion doctrinale : elle
exercera son emprise sur l'enseignement du droit constitutionnel jusqu'au milieu
des années 1990, alors même qu'une certaine partie de la doctrine œuvrait depuis
déjà deux décennies au renouvellement de l'étude du droit constitutionnel96
.
17. De l'aveu même de l'un de ceux qui y adhérèrent pourtant avec enthousiasme,
l'approche politiste du droit constitutionnel n'a pas apporté les bénéfices
escomptés car « les moyens de connaissance de la société indispensables pour
appliquer correctement cette méthode faisaient défaut »97
. Cette confidence met
en lumière les limites plus générales d'une empreinte des sciences sociales sur
l'enseignement du droit public, telle qu'elle s'exerce pourtant depuis l'origine, à
intervalle régulier.
Quels que soient les mérites ou les inconvénients que l'on peut imputer à
l'interdisciplinarité ou à la transdisciplinarité en matière de recherche juridique
- le lieu n'est pas d'en débattre ici -, les exemples qui précèdent montrent que,
du moins en matière d'enseignement du droit public, l'approche interdisciplinaire
n'est pas sans soulever des difficultés98
République.
. Si, dans l'esprit de la réforme de 1954-1962
et conformément aux vertus de la pluridisciplinarité, des matières extra- juridiques
95. Sur ce mouvement doctrinal, B. Fargeaud, La doctrine constitutionnelle sous la IVe
Naissance d'une nouvelle génération de constitutionnalistes, thèse droit Paris II, 2018, Paris, Dalloz, coll.
« Bibliothèque parlementaire et constitutionnelle », 2020, notamment pp. 257-312.
96. Pour prendre un exemple purement personnel, j'ai suivi en 1990 le cours de droit constitutionnel de
Pierre Pactet à la Faculté de droit de Sceaux. Son cours, ses travaux dirigés, son manuel me présentèrent
une image politiste du droit constitutionnel, qui m'informa peu sur la jurisprudence constitutionnelle
et pas du tout sur les écrits de l'école d'Aix, que je ne découvris que plus tard, en 1995, en DEA de droit
public à l'université Paris II où je reçus de Pierre Avril et Benoît Jeanneau des enseignements du reste
toujours éloignés de tout prisme normativiste et contentieux.
97. D. G. Lavroff, Le droit constitutionnel de la Ve
République, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 1995, p. 13.
98. Pour de premiers questionnements, J. Rivero, « Pluridisciplinarité et formation du juriste »,
D. 1969, chron., p. 157.

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