Hors-collection - L'enseignement du droit aujourd'hui - 89

Le droit public, un enseignement émancipé ?
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de l'enseignement supérieur dans le domaine juridique, tel que pensé à partir de
1804, offre une illustration exemplaire d'une telle masse de granit, en raison de ce
projet de sublimation apolitique et anhistorique des idéaux révolutionnaires par
tout ce qui pouvait être sauvé de l'ordre ancien. Dans ce projet, on y observe en
effet : un incontestable rejet d'un ancien droit communautaire et inégalitaire au
profit d'une législation civile unifiée, stabilisée, sécularisée et déshistorisée, mais
préfigurée malgré tout par le droit monarchique français et portée par la ratio legis
du droit romain ; un retour au système facultaire des vieilles corporations universitaires
médiévales, mais une séduction parallèle pour le système révolutionnaire
des « écoles » (écoles normales, écoles centrales, écoles spéciales, etc.) destiné à
l'enseignement de savoirs utiles ; une méfiance à l'égard des interprètes du droit,
mais en même temps un rejet de l'utopie révolutionnaire de lois sans juristes
conduisant à la nécessité de contrôler la formation des praticiens du droit. Autant
d'objectifs et de pratiques que leur synthèse a amalgamé pour donner naissance à
une masse de granit napoléonienne qui va elle- même lourdement peser, tout au
long des xixe
et xxe
siècle, sur le choix des matières juridiques à enseigner, donnant
ainsi naissance à une culture pédagogique, à une matrice éducative que l'on peut
qualifier de privatiste en raison de la présence de trois composantes caractéristiques.
22. Le premier trait de caractère de la culture pédagogique des facultés de droit,
qui en fait une culture privatiste, est la place primordiale accordée au droit civil.
On mesure ici tout l'intérêt du prisme disciplinaire. Car, du point de vue des
droits positifs, tels qu'appliqués et pratiqués aujourd'hui, le droit civil a sans doute
perdu sa centralité au profit d'autres matières (droit des affaires, droit du travail,
etc.). Mais la « discipline » droit civil conserve une place primordiale dans la culture
éducative des facultés de droit françaises. En témoigne sa présence, en 1804 comme
toujours aujourd'hui, dans chacune des trois années de la licence en droit (du
droit des personnes en L1 au droit des contrats spéciaux en L3 en passant par la
famille, les biens et les obligations), privilège accordé à aucune autre discipline122
.
En témoigne également cette tradition, née à la faveur de la création progressive
au xixe
siècle de cours d'introduction au droit et entérinée par la réforme de 1954,
de confier aux civilistes la charge d'introduire au droit, dans les cours comme dans
les manuels ; tradition qui a conduit à conférer à ce premier contact des étudiants
avec le droit une empreinte très civiliste, de tels cours racontant souvent l'histoire
du droit ou présentant des notions générales à partir d'exemples tirés en priorité
122. P. Ancel, « Le droit civil, modèle disciplinaire ? », in F. Audren, S. Barbou des Places (dir.),
Qu'est- ce qu'une discipline juridique ?, op. cit., p. 227.

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