Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 4e - 104

La Convention européenne des droits de l'homme
présomption d'équivalence se déploie. Elle a été forgée afin d'éviter une concurrence
systémique qui aurait pu tourner à la discorde judiciaire entre les deux
Cours européennes. Lancée par l'affaire Bosphorus (CEDH, Gde Ch., 30 juin 2005,
Bosphorus c/ Irlande) ; explicitée avec l'arrêt Michaud (CEDH, 6 décembre 2012,
Michaud c/ France), elle se manifeste, pour la première fois, dans le cadre de la
reconnaissance mutuelle des décisions de justice (CEDH, Gde Ch., 23 mai 2016,
Avotiņš c/ Lettonie)3
, dont on sait qu'il s'agit d'un mécanisme fondé sur la philosophie
de la confiance mutuelle entre les États membres de l'Union. In casu, bien que
le système de l'Union ait évité un camouflet, il n'en reste pas moins que la Cour
européenne est très claire en rappelant fort opportunément que la présomption
n'est pas un blanc-seing puisqu'elle doit « s'assurer que les dispositifs de reconnaissance
mutuelle ne laissent subsister aucune lacune ou situation particulière
donnant lieu à une insuffisance manifeste de la protection des droits de l'homme
garantis par la Convention » (§ 116).
II.
Les exigences afférentes au « tribunal »
La lecture attentive de l'article 6 § 1 démontre que ce sont quatre conditions
qu'un « tribunal » doit remplir pour être « adéquat » au sens de la Convention.
Dans l'ordre d'énumération de l'article 6 § 1, il doit être indépendant, impartial,
établi par la loi (i.e. établi conformément à la loi) et apte à décider (i.e. être en
mesure d'apprécier les éléments de fait et de droit conduisant à la solution du
litige ; voir a contrario CEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth c/ Suède).
Les deux premières exigences - étroitement liées (CEDH, Gde Ch., 6 novembre
2018, Ramos Nunes de Carvalho e sa c/ Portugal, § 150) - marquent ce qui constitue
le cœur de la « théorie des apparences ». Justice must not only be done, it must also
be seen to be done : « Il faut non seulement que justice soit faite, mais aussi qu'elle
le soit au vu et au su de tous ». Tel est le dictum qui caractérise la philosophie
de la Cour quand elle doit évaluer l'indépendance des tribunaux au regard du
pouvoir exécutif des États (B), mais également l'impartialité du tribunal vis-à-vis
des parties à l'instance (C). La déconsolidation démocratique sévissant dans de
nombreux pays européens a donné l'occasion à la Cour d'innover : en analysant de
façon novatrice la notion de « tribunal établi par la loi », elle en a fait un préalable
nécessaire qui conditionne l'existence des autres conditions ; voilà pourquoi elle
sera examinée en premier (A).
3. Il s'agissait d'une affaire d'exécution à Chypre d'un jugement de recouvrement de dettes à
l'endroit d'un ressortissant letton qui estimait n'avoir jamais reçu la citation à comparaître ni
la notification du jugement.
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