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La Convention européenne des droits de l'homme
D. Les lieux de justice
Que l'on soit inculpé (CEDH, 23 février 2010, Ahmet Arslan et autres c/ Turquie),
témoin (CEDH, 5 décembre 2017, Hamidović c/ Bosnie-Herzégovine) ou partie civile
(CEDH, 18 septembre 2018, Lachiri c/ Belgique), la Cour européenne accepte que
les individus puissent exprimer leur foi (moyennant le port d'un vêtement spécifique)
au sein des enceintes où la justice est rendue. L'affaire Lachiri confirme
cette tendance jurisprudentielle, même si elle le fait maladroitement. Alors qu'elle
s'était portée partie civile dans « une affaire de crime passionnel où son frère
fut tué » (§ 8), et que dans le cadre du déroulement du procès en appel, elle se
présenta à l'audience vêtue d'un foulard couvrant les cheveux et la nuque tout
en laissant le visage apparent (un hijab), elle fut priée d'enlever son foulard. La
présidente de séance justifia cet impératif en invoquant l'article 759 du Code
judiciaire ; refusant d'obtempérer, Mme
Lachiri fut absente de l'audience (§ 14).
Scrutons l'article 759 du Code judiciaire afin d'en découvrir la teneur et, au-delà,
la manière dont il est mis en œuvre en Belgique. « Celui qui assiste aux audiences
se tient découvert, dans le respect et le silence ; tout ce que le juge ordonne pour
le maintien de l'ordre est exécuté ponctuellement et à l'instant. » Prima facie, il
ressort d'une simple analyse textuelle, que cet article lie le fait de se découvrir
avec une marque de respect à l'égard de l'institution judiciaire ; fait également
figure d'impératif le maintien de l'ordre au sein des tribunaux, tâche qui incombe
en premier ressort aux juges. Les observations fournies par le tiers-intervenant (le
Centre des droits de l'homme de l'Université de Gand) sont intéressantes à découvrir
en ce qu'elles contextualisent l'adoption de cette disposition ; elles confirment
ce qu'une lecture littérale laissait présager. On apprend que l'article 759 fut repris
de l'ancien code judiciaire adopté au dix-neuvième siècle, « à une époque où la
pratique voulait qu'on ôte son couvre-chef pour entrer dans une église ou une
maison par exemple, en signe de respect et de reconnaissance de l'autorité de
l'institution ou de la personne » (§ 30).
À ce stade, le lecteur ne manquera pas de s'interroger : de quelle manière une
règle - qui puise ses origines à une époque lointaine - est-elle appréhendée au
xxie
siècle ? Comment doit-elle être abordée dans le cadre de sociétés « ouvertes »
et multiculturelles où la religion fait irruption dans les prétoires ? Alors que cette
disposition ne traite pas explicitement du fait religieux ; alors qu'elle ne pose aucun
principe de neutralité au sein des salles d'audience, peut-elle a priori être toutefois
reliée au fait religieux ? On se dit que si la présidente de séance demanda
à Mme
Lachiri d'ôter son voile, c'est qu'elle appliqua à la lettre la disposition du
Code judiciaire (i.e se présenter « découvert » à l'audience), conformément à la
pratique des juges en Belgique qui, tous, comprennent et mettent en œuvre de
la même manière la disposition en cause. Autrement dit, quel que soit le couvrechef,
de nature religieuse ou pas, il convient d'être « découvert » au sein des salles
d'audience en marque de respect pour l'institution judiciaire.
Dans ce contexte, il sera intéressant de connaître le moment venu le point
de vue de la Cour sur le statut des jurés, choisis par tirage au sort et participant
de façon exceptionnelle au service de la justice. Si d'aventure la Cour considérait
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