Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 4e - 159

Article 10 - Liberté d'expression
demandées sont déjà disponibles, un refus de les divulguer n'est pas pertinent).
Le vade mecum à l'attention des juges nationaux, très précis, va aider dans leur
tâche contentieuse, toujours délicate. Dans un contexte où la marge d'appréciation
est très ample, quand le contrôle judiciaire interne est pertinent en analysant avec
précision les motifs de refus des autorités nationales, le constat de non violation
est au rendez-vous (CEDH, 3 février 2022, Seks c/ Croatie, § 35).
A. Les principes fondateurs
La jurisprudence a interprété largement la notion de « personne » (CEDH,
22 mai 1990, Autronic AG c/ Suisse) de façon à englober tant les personnes
physiques que morales, y compris les associations, même quand leur raison d'être
est à la fois farfelue et dangereuse (CEDH, Gde Ch., 13 juillet 2012, Mouvement
raëlien suisse c/ Suisse) et bien évidemment, les entreprises de presse. Dans le
même ordre d'idées, les notions d'information et d'idées ont elles aussi fait l'objet
d'une interprétation extensive.
1. Les principes à l'égard de l'information
La Cour a d'ailleurs donné le « la » très tôt s'agissant de la liberté d'opinion qui
« vaut non seulement pour les " informations " ou " idées " accueillies avec faveur
ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui
" heurtent, choquent ou inquiètent " l'État ou une fraction quelconque de la population.
Ainsi, le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans
lesquels il n'est pas de société démocratique » (CEDH, Plénière, 7 décembre 1976,
Handyside c/ Royaume-Uni, § 49). Dans cette droite ligne jurisprudentielle, la Cour
s'est faite un point d'honneur à condamner les préjugés liés à l'homosexualité,
lesquels peuvent se répercuter dans le monde éditorial. Dans l'affaire Macaté
(CEDH, Gde Ch., 23 janv. 2023, Macaté c/ Lituanie, § 214), la requérante est une
traductrice et une autrice homosexuelle qui écrit des contes pour enfants. Après
le « Petit livre rouge à l'attention des écoliers » (The Little Red Schoolbook) - qui
dans les années 1970 intègre des éléments sur l'éducation sexuelle à l'attention
de jeunes adolescents (affaire précitée Handyside) - à l'aube du xxie
siècle, c'est le
livre Le Cœur d'Ambre (Ambert Heart) - un recueil de six contes pour enfants dont
deux présentant des mariages entre personnes de même sexe (§ 1) - qui provoque
une imposante polémique en Lituanie. Deux polémiques, deux arrêts de la Cour
européenne rendus à 47 ans d'intervalle, et deux solutions opposées. En 1976,
l'Assemblée plénière de la Cour délivre un constat de non violation de l'article 10,
et ce en dépit de l'amende infligée au requérant, de la destruction du « Petit Livre
rouge » et, last but not least, de l'obiter dictum classique de la Cour selon lequel la
liberté d'expression est essentielle y compris à l'égard des idées qui « heurtent,
choquent ou inquiètent ». En 2023, la Grande Chambre prononce, à l'unanimité,
un constat de violation de l'article 10 contre la Lituanie pour avoir suspendu la
diffusion pendant un an du Cœur d'Ambre et pour avoir ensuite accepté sa diffusion,
uniquement grâce à l'apposition d'un étiquetage d'avertissement, le présentant
comme « nuisible » pour les enfants de moins de 14 ans. Elle le fait, et c'est à
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