Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 4e - 160

La Convention européenne des droits de l'homme
souligner, en considérant qu'il n'existe pas de « but légitime ». La Cour n'examine
donc point la question de la nécessité de l'ingérence - qui est en général l'étape
analytique où la Cour déclare le plus souvent les violations de la Convention.
En tout état de cause, ce célèbre dictum de l'arrêt Handyside a été un guide
précieux pour entendre de façon large la notion d'information qui couvre des
informations produites délibérément - grâce à des programmes de radio et de
télévision de toute nature (CEDH, 28 mars 1990, Groppera Radio AG c/ Suisse) ;
des discours à finalité économique (CEDH, 20 novembre 1989, Markt intern Verlag
c/ Allemagne) ou commerciale (CEDH, 25 mars 1989, Barthold c/ Allemagne) ; des
idées donnant lieu à un débat public notamment grâce aux médias (CEDH, 23 mai
1991, Oberschilck c/ Autriche ; CEDH, 23 avril 1992, Castells c/ Espagne ; CEDH,
27 février 2001, Jerusalem c/ Autriche), à des manifestations artistiques radicales
(comme celles des Pussy Riot au sein de la Cathédrale du Saint-Sauveur à
Moscou, CEDH, 17 juillet 2018, Mariya Alekhina et autres c/ Russie), à des appels
au boycott (CEDH, 11 juin 2020, Baldassi et a. c/ France) et last but not least, celles
qui sont diffusées sur Internet, car elles contribuent grandement selon la Cour,
à « améliorer l'accès du public à l'actualité, et de manière générale, à faciliter
la communication et l'information » (CEDH, 10 mars 2009, Times Newspaper Ldt
c/ Royaume-Uni (n° 1 et 2), § 27) et parce que l'« on y trouve les aspects essentiels
de participation aux activités et débats relatifs à des questions politiques ou
d'intérêt public » (CEDH, 18 décembre 2012, Yildirim c/ Turquie, § 54). Dans ce
contexte, le pluralisme des médias est une question centrale. Si le « pluralisme
externe » peut être obtenu par l'existence de divers médias qui expriment chacun
un point différent et qui peut être atteint en veillant à ce que les médias ne soient
pas concentrés entre les mains d'un trop petit nombre d'acteurs (monopoles,
duopoles et autres situations de domination par des financiers et/ou hommes
politiques (CEDH, Gde Ch., 7 juin 2012, Centro Europa 7 Srl et Di Stefano c/ Italie),
le « pluralisme interne » est tout aussi fondamental en démocratie. Ce dernier se
manifeste au sein d'un seul média et a trait à la manière dont la diversité sociopolitique
se reflète dans le contenu de celui-ci : différents groupes culturels ainsi
que différents opinions et points de vue politiques ou idéologiques doivent pouvoir
s'y développer (CEDH, Gde Ch., 5 avril 2022, NIT S.R.L. c/ Moldova, § 101).
Le contenu de l'article 10 fait peser à la charge des États non seulement une
obligation d'abstention - ne pas entraver la liberté de recevoir et de communiquer
des informations - mais également une obligation positive, i.e en assurer la libre
circulation. Dans ce contexte, les États doivent adopter des mesures d'enquête
ou de protection adéquates lorsque des actes de violence répétés (menaces, intimidations,
incendies criminels, agressions physiques, meurtres) sont perpétrés à
l'encontre d'un journal et de ses membres (CEDH, 16 mars 2000, Ozgür Gündem
c/ Turquie). Cette affaire illustre à sa manière la place clé qu'occupe la presse en
matière d'information, « chien de garde » (watchdog) des sociétés démocratiques
(CEDH, 25 juin 1992, Thorgeir Thorgeirson). Évolution oblige, ce rôle de « chien de
garde » a également été reconnu aux ONG qui participent également à forger
une société moins opaque (CEDH, 25 juin 2013, Youth Initiative for Human Right
c/ Serbie).
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