Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 4e - 166

La Convention européenne des droits de l'homme
2008, Exception préliminaires, fond et réparations, Kimel c/ Argentine, Série C
n° 177). On sait que la Cour européenne est au même diapason, même si elle
reste plus floue sur les limites au recours à la sanction pénale dans son contrôle
de la nécessité de l'ingérence : « une peine de prison infligée pour une infraction
commise dans le domaine du discours politique n'est compatible avec la liberté
d'expression garantie par l'article 10 de la Convention que dans des circonstances
exceptionnelles » (CEDH, Gde Ch., 17 décembre 2004, Cumpana et Mazare
c/ Roumanie, § 115). La formule finale des « circonstances exceptionnelles » est
particulièrement vague et laisse une marge de manœuvre conséquente à la Cour
pour y faire rentrer ce qu'elle désire. Sa jurisprudence démontre qu'elle examine
la nature et la lourdeur des peines infligées en mettant d'ailleurs en valeur les
tendances qui se sont manifestées au sein du Conseil de l'Europe qui limitent
de façon drastique le recours à l'emprisonnement (CEDH, 15 mars 2011, Otegi
Mondragon c/ Espagne). En tout état de cause, sur la base des principes posés
dans l'affaire Morice (CEDH, Gde Ch., 23 avril 2015, Morice c/ France, §§ 124-127)
réaffirmés dans l'affaire Matalas (CEDH, 25 mars 2021, Matalas c/ Grèce, §§ 38-44)
tout sera affaire de circonstances : ainsi, une condamnation pénale d'un particulier
pour diffamation à l'endroit d'un homme politique pourra être considérée
conforme à la Convention (CEDH, 30 janvier 2014, De Lesquen du Plessis-Casso
c/ France) ; tandis que de l'autre, le même type de condamnation à l'endroit de
journalistes emportera la violation de la Convention (CEDH, 3 avril 2014, Amorim
Giestas et Jesus Costa Bordalo c/ Portugal) ou à l'endroit d'une victime alléguée
de violence sexuelle (CEDH, 18 janvier 2024, Allée c/ France). Ce qui est préoccupant
est l'augmentation des condamnations de journalistes (CEDH, 18 avril 2019,
Ifandiev c/ Bulgarie) ou des sociétés de presse (CEDH, 16 avril 2019, Editorial Board
of Grivna Newspaper c/ Ukraine) pour diffamation dans des pays où le délitement
démocratique est majeur.
B. La question du blasphème
La question du blasphème dérange et divise. Son éventuelle sanction polarise
les débats politiques, déchaîne les controverses doctrinales. À près de 25 ans
d'intervalle, la Cour européenne, dans deux affaires autrichiennes, a validé la
législation nationale qui prévoit une sanction pénale pour tout type d'action qui
dénigre ou bafoue une personne ou une chose qui fait l'objet d'une vénération
d'une communauté religieuse. La première affaire concernait une offense de la
religion catholique (CEDH, Gde Ch., 20 septembre 1994, Otto-Preminger Institut
c/ Autriche), la seconde de la religion musulmane (CEDH, 25 octobre 2018, E.S.
c/ Autriche). La solution fut identique : la Cour valida les décisions des juridictions
internes qui appliquèrent la législation sanctionnant le blasphème. Le délire
s'étant emparé des réseaux sociaux où de nombreux acteurs mal intentionnés
ont instrumentalisé la seconde décision de la Cour (v. pour une analyse de ce
phénomène, L. Burgorgue-Larsen, « Actualité de la Convention européenne des
droits de l'homme », 28 janvier 2019, p. 174 et s.), il est important de la présenter
en détail.
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