Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 4e - 18

La Convention européenne des droits de l'homme
solution contraire à la jurisprudence permettent à une chambre d'envisager un
dessaisissement ; quant au renvoi, il est possible quand une affaire soulève une
question grave relative à l'interprétation ou à l'application de la Convention ou d'un
des protocoles ou quand elle soulève une question grave de « caractère général ».
C'est un collège de cinq juges, constitué au sein de la Grande Chambre, qui a pour
tâche (stratégique) de filtrer les demandes de renvoi : pour l'instant, il a réussi à
cantonner à des cas exceptionnels les demandes de renvoi en ne le transformant
pas en procédure de droit commun. C'est la pratique contentieuse qui a tenté,
affaire après affaire, de donner un sens concret aux expressions passablement
vagues de l'article 3031
. Le fonctionnement de la nouvelle architecture judiciaire
mise en place sur la base du protocole n° 11 révéla cependant très vite son incapacité
à « désengorger » de façon massive le prétoire de la Cour. Le système
entrait, ce faisant, dans une crise profonde qui amena les États à promouvoir
des réajustements systémiques au moyen de trois autres protocoles, qui n'ont
pas la même nature toutefois. Les protocoles n° 14 et 15 amendent la Convention
et nécessitent la ratification de tous les États parties, tandis que le protocole
n° 16 est facultatif et permet aux États de déterminer, comme ils l'entendent,
leur « politique juridique extérieure » (G. de Lacharrière) en décidant ou pas de le
signer et/ou de le ratifier
2. Les réajustements des protocoles n° 14, 15 et 16
Engorgée, asphyxiée, submergée. Les qualificatifs ne manquent pas pour caractériser
la situation de la Cour quelques années après l'entrée en vigueur du protocole
n° 11. Les États parties décident donc de remettre le « métier sur l'ouvrage ».
Le protocole n° 14 - qui entre en vigueur dans la douleur32
- a pour dessein
de mettre en place d'autres mécanismes pour arriver coûte que coûte à l'idéal
systémique : alléger la charge de travail de la Cour pour échapper à la paralysie.
La figure du juge « unique » (ayant pour objet d'exercer une fonction d'« abattage »)
et l'instauration d'un nouveau critère de recevabilité des requêtes, celui du très
controversé « préjudice important » (article 35 § 3 b de la Convention), en sont
les emblèmes. Quand bien même ces innovations sont des moyens trouvés pour
se débarrasser de ce qui encombre la Cour « pour rien » - à savoir les requêtes
manifestement irrecevables - tandis que la procédure de l'« arrêt pilote » est
31. Cour européenne des droits de l'homme, La pratique suivie par le Collège de la Grande Chambre
pour statuer sur les demandes de renvoi formulées au titre de l'article 43 de la Convention,
Strasbourg, octobre 2011, 22 p. (disponible sur le site de la Cour).
32. Signé le 13 mai 2004, il entrait en vigueur le 1er
juin 2010 après que la Russie, par l'intermédiaire
de la Douma, ait longtemps bloqué sa ratification pour diverses raisons de type politique. Afin
de pallier la paralysie engendrée par ce veto, les États parties, dans l'intervalle, adoptèrent
dans l'urgence le 27 mai 2009 un protocole n° 14 bis (qui entrait en vigueur le 1er
octobre 2009)
afin de pouvoir mettre en place « en tant que mesure intérimaire et provisoire » les principales
modifications procédurales prévues dans le protocole n° 14... v. J-F. Flauss, « Le protocole
n° 14 bis de la Convention européenne des droits de l'homme », RGDIP, 2009-3, p. 621-634.
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