Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 4e - 20

La Convention européenne des droits de l'homme
la Convention. Le fait n'est pas anodin. Il marque un tournant dans la politique
jurisprudentielle de la Cour qui avait, jusqu'alors, privilégié le « développement »
des droits au-delà de leur simple « sauvegarde »39
. Il convient en effet de rappeler
ici qu'à partir de toute une série de méthodes d'interprétation ayant le principe de
l'effet utile comme matrice, la Cour dès le milieu des années 1970 mobilise des
techniques ciblées - de la théorie de l'inhérence40
des notions41
(celle du décloisonnement)42
et les obligations positives - alliées à une technique d'ordre général
, afin de construire une jurisprudence où l'approche
pro persona est indéniable et où l'adaptabilité constante du texte conventionnel aux
« conditions de vie d'aujourd'hui » est majeure. Désormais, au « développement »
des droits, succède le temps de leur simple « sauvegarde ». Avoir inséré côte à
côte la subsidiarité et la marge nationale d'appréciation au sein du préambule
est une manière pour les États de réorienter la politique jurisprudentielle de la
Cour. Laisser plus de liberté aux États quand ils limitent les droits et être plus
sensible aux particularismes nationaux, tel pourrait être rapidement résumé
l'esprit de cette nouvelle approche, au nom de l'épanouissement du pluralisme
juridique gage de la préservation des impérieuses souverainetés43
. Aujourd'hui,
la jurisprudence de la Cour met en avant le défi majeur auquel sont confrontés
les juges : trouver le juste équilibre entre un judicial self retraint réfléchi (en rappelant
systématiquement la « nature » subsidiaire du mécanisme de garantie et en
laissant libre cours à la théorie de la marge nationale d'appréciation afin que les
, en passant par l'autonomisation
39. Et ce conformément à une formule du Préambule qui l'y incitait : « Considérant que le but du
Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, et que l'un des
moyens d'atteindre ce but est la sauvegarde et le développement des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ». (italiques ajoutés).
40. F. Sudre, « À propos du dynamisme interprétatif de la Cour européenne des droits de l'homme »,
JCP 2001, I, p. 335. Pour une approche identique dans le système interaméricain des droits
de l'homme, L. Burgorgue-Larsen, « De la théorie de l'inhérence au sein des Amériques »,
Les droits de l'homme à la croisée des droits. Mélange en l'honneur de Frédéric Sudre, Paris,
LexisNexis, 2018, p. 89-98.
41. F. Sudre, « Le recours aux notions autonomes », L'interprétation de la Convention européenne des
droits de l'homme, F. Sudre (dir.), Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 93-131 [Col. Droit et Justice].
42. L. Burgorgue-Larsen, « Nothing is perfect. Libres propos sur la méthodologie interprétative de la
Cour européenne des droits de l'homme », Mélanges en l'honneur de J.-F. Flauss, Paris, Pedone,
2014, p. 101-115.
43. La littérature à son sujet est considérable et met en exergue un fait indéniable : les auteurs
ne s'accordent pas tous sur une définition qui serait consensuelle, cette disparité d'analyse
intégrant même les rangs de la Cour (voir C.L. Rozakis, « Through the Looking Glass : An
'Insider''s view of the Margin of Appreciation », Mélanges Costa, Paris, Dalloz, 2010, spec. p. 528).
Quoi qu'il en soit, le dénominateur commun qui se dégage de la multitude des interprétations
consiste à affirmer que la marge nationale d'appréciation repose sur deux fondements : la
philosophie de la subsidiarité d'un côté et la souveraineté étatique de l'autre, qui induisent
d'accorder une place au pluralisme juridique afin de respecter les spécificités juridiques des
États en leur laissant plus de liberté quand ils appliquent la Convention.
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