Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 4e - 206

La Convention européenne des droits de l'homme
femme un rôle exclusif de mère et d'épouse légitimant la réduction du versement
de dommages et intérêts consécutive à une opération chirurgicale ratée), le
contester ensuite, en mettant en contexte l'irruption du stéréotype (ce qui permet
in casu à la Cour de démontrer l'existence de la persistance de préjugés dans
l'administration de la justice au Portugal. L'arrêt Nurcan Bayraktar (CEDH, 21 juin
2023, Nurcan Bayraktar c/ Turquie) est une autre pièce portée à l'édifice de la lutte
contre les stéréotypes sexistes qui cantonne la femme à son rôle de reprodructrice,
ce que la Cour condamne fermement (v. com. n° 12).
La lutte contre les stéréotypes axés sur le sexe touche également la gent
masculine. Quand l'État russe prohibe aux militaires le droit de bénéficier d'un
congé parental, il viole l'article 14 combiné avec l'article 8. Et la Cour d'affirmer
solennellement : « La Cour [...] conclut que la répartition traditionnelle des
rôles entre les sexes dans la société ne peut servir à justifier l'exclusion des
hommes, y compris ceux travaillant dans l'armée, du droit au congé parental.
La Grande Chambre considère comme la chambre que les stéréotypes liés au
sexe - telle l'idée que ce sont plutôt les femmes qui s'occupent des enfants et
plutôt les hommes qui travaillent pour gagner de l'argent - ne peuvent en soi
passer pour constituer une justification suffisante de la différence de traitement
en cause, pas plus que ne le peuvent des stéréotypes du même ordre fondés sur
la race, l'origine, la couleur ou l'orientation sexuelle » (CEDH, Gde Ch., 22 mars
2012, Konstantin Markin c/ Russie, § 143). Cette affaire, jugée en Grande Chambre
et obtenant le constat de violation à 16 voix contre une, est également majeure en
ce qu'il y est affirmé, sans l'ombre d'un doute, qu'il est impossible de renoncer au
droit de ne pas faire l'objet d'une discrimination fondée sur le sexe, car « pareille
renonciation se heurterait à un intérêt public important » (§ 150). Elle poursuivait
sur cette lignée en sanctionnant une discrimination financière fondée sur le
sexe au détriment des veufs (CEDH, 20 octobre 2020, B. c/ Suisse), une approche
confirmée par la Grande Chambre dans l'affaire Beeler (CEDH, Gde Ch., 11 octobre
2022, Beeler c/ Suisse). Contraint de faire face au décès brutal de son épouse,
M. Beeler décide d'arrêter de travailler afin d'élever ses deux filles, alors âgées
de vingt et un mois et quatre ans (§ 10). Toutefois, à la majorité de la cadette,
il pert le bénéfice de sa pension de réversion, du seul fait qu'il était un homme
(article 24, al. 2 de la loi fédérale sur l'Assurance-Vieillesse et Survivants, loi dite
" AVS " ). En effet, dans la même situation, la législation suisse permettait à une
veuve de continuer à en bénéficier. Cette différence de traitement au regard du
sexe est validée par le Tribunal fédéral suisse, alors même que la Constitution
helvétique pose la prohibition des discriminations notamment celles au regard
du sexe, son article 8 § 3 n'acceptant que celles pouvant être justifiées sur la
base de différences « biologiques ou fonctionnelles » (article 8 § 3). Se basant sur
l'article 2 de la Convention des Nations Unies pour l'élimination des discriminations
à l'égard des femmes (CEDEF), la Grande Chambre estime que le gouvernement
suisse n'avait pas démontré l'existence de « raisons particulièrement solides et
convaincantes propres à justifier la différence de traitement fondées sur le sexe
(§ 115), domaine où les États disposent d'une marge d'appréciation très réduite.
La violation de l'article 14 combiné avec l'article 8 est déclarée sans ambages.
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