Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 4e - 240

La Convention européenne des droits de l'homme
- combiné le plus souvent avec l'article 5 - son examen par la Cour n'est pas
systématique (CEDH, 16 novembre 2017, Ilgar Mammadov c/ Azerbaïdjan (n° 2) et
affaire précitée Haziyev), préférant le mobiliser de façon mesurée.
La Grande Chambre, dans l'affaire Merabishvili, a établi des critères importants
censés guider le fonctionnement de cette disposition. La Cour s'attelle à
examiner l'existence de « doubles buts » (conventionnels et non conventionnels) ;
s'il apparaît que le « but prédominant » d'une mise en détention provisoire est,
au-delà de tout doute raisonnable, un « but inavoué », alors l'article 18 pourra être
déclaré enfreint (I). Soumise régulièrement à la critique, cette approche pose la
question de savoir si la politique jurisprudentielle de la Cour sur cette question
est susceptible, dans les années à venir, d'évoluer (II).
I.
Une approche difficile
M. Merabishvili - ancien ministre de l'Intérieur et premier ministre, figure
centrale de l'opposition en Géorgie dans les années 2010 - fut l'objet de plusieurs
procédures pénales en 2012 et 2013, notamment pour abus de pouvoir. Arrêté en
mai 2013, il fut maintenu en détention provisoire jusqu'à son procès. Il allégua
devant la Cour que de telles actions devant les tribunaux avaient pour objet de le
maintenir éloigné de la vie politique ; bref, qu'il s'agissait d'un « procès politique »,
c'est-à-dire d'un phénomène consistant à instrumentaliser le système judiciaire
afin d'éliminer un adversaire politique ou de lui porter gravement préjudice.
Si la Cour confirma le caractère non autonome de l'article 18 (à l'instar de
l'article 14) et si elle rappela qu'il pouvait être enfreint sans pour autant qu'il y
ait violation de l'article substantiel avec lequel il est combiné, elle introduisit un
nouveau critère contestable (à tout le moins très discuté par les juges concordants,
paradoxe étonnant), censé guider l'interprétation et l'application de l'article 18. Le
§ 292 posa ainsi la problématique : « Un droit ou une liberté fait parfois l'objet d'une
restriction seulement dans un but non-conventionnel. Il est toutefois possible
qu'une restriction soit apportée à la fois dans un but non-conventionnel et dans un
but prévu par la Convention, c'est-à-dire qu'elle poursuit une pluralité de buts. En
pareille situation, la question qui se pose est celle de savoir si le but prévu par la
Convention efface invariablement le but non-conventionnel, si la simple existence
de ce dernier est contraire à l'article 18 ou s'il y a une réponse intermédiaire. »
En admettant la présence d'une « pluralité de buts » dans la clause prohibitive
de l'article 18, la Cour a dégagé le « critère du but prédominant » afin de guider
son application.
Il y aurait ici la volonté que l'article 18 « ne s'applique qu'au-delà d'un certain
seuil très élevé » ; qu'il ne soit mobilisé que pour les « cas les plus graves », élément
qui sied aux huit juges dissidents, parmi lesquels on compte le président de la
Cour. Les critiques les plus fortes ont été présentées dans l'opinion concordante
du juge chypriote (G. Serghides) et l'opinion concordante commune des deux
juges, géorgienne (N. Tsotoria) et ukrainienne (G. Yudkviska), ainsi que du juge
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