Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 4e - 46

La Convention européenne des droits de l'homme
est une liberté-autonomie » (B. Mathieu). Autrement dit, quand un individu décide
souverainement de se donner la mort, il manifeste de la manière la plus absolue
qui soit sa liberté1
. Le droit d'une mort décidée et accomplie individuellement
n'existe donc pas ou, pour le dire différemment, la liberté de se donner la mort
n'est pas saisie par le droit.
Il est cependant des endroits « clos », tels les commissariats lors de gardes
à vue, les prisons et les hôpitaux psychiatriques, au sein desquels la pulsion de
mort d'un individu devra être empêchée. Tel est le constat qui découle de la jurisprudence
de la Cour européenne qui instaure à la charge des États au titre de
l'article 2 « l'obligation positive de prendre préventivement des mesures pratiques
pour protéger l'individu dans certaines circonstances particulières, contre luimême
» (CEDH, 16 novembre 2000, Tanribilir c/ Turquie, § 70). On pressent déjà
ici que la liberté-autonomie, confrontée à l'altérité, change du tout au tout la
perspective. Or, il est un fait que tout bascule à partir du moment où des tiers, quel
que soit leur statut, entrent dans une dynamique jusque-là purement personnelle.
La relation d'un individu à sa propre mort lui échappe alors. Ce qui relevait de
la « liberté-autonomie », réfractaire à l'appréhension sociale et juridique, va être
saisie par le droit, le droit de ne pas porter atteinte à la vie d'autrui. L'individu n'est
plus face à lui-même ; il est confronté aux autres, représentatifs de la société.
Du coup, le droit surgit ; du coup également, le principe de dignité entre en jeu.
2. L'euthanasie
Donner la mort afin de mettre fin à des souffrances intolérables d'un malade
atteint d'une affection inguérissable prend le nom, lourd de tabous, d'euthanasie
active. Le traitement d'une telle question a débouché sur des solutions extrêmement
diversifiées en Europe. Si certains pays ont fait des choix clairs sur la
voie que d'aucuns appellent un « droit subjectif à la mort » (Pays-Bas, Belgique,
Suisse), d'autres comme la France sont régulièrement tentés de modifier la loi
du 22 avril 2005 relative aux droits des malades en fin de vie (dite « loi Léonetti »)
contre l'acharnement thérapeutique, comme le deuxième mandat du président,
Emmanuel Macron, le démontre.
L'hétérogénéité des solutions nationales démontre l'inexistence d'une solution
irréprochable et indiscutable. La Cour européenne l'a bien compris, elle qui a fait
jouer, avec sagesse, la subsidiarité du mécanisme conventionnel dans l'importante
affaire Pretty (CEDH, 29 avril 2002, Pretty c/ Royaume-Uni). La requérante,
atteinte d'une maladie dégénérative incurable, ne pouvait se placer directement
sur le terrain de la dignité, dans la mesure où aucune disposition spécifique de
la Convention n'en fait mention. Elle décidait en conséquence d'articuler ses
griefs sur plusieurs dispositions conventionnelles (les articles 2, 3, 8, 9 et 14), où
l'article 2 tenait une place importante. Et d'estimer que les juridictions britanniques
avaient méconnu l'article 2 par leur refus de s'engager à ne pas poursuivre
son mari s'il l'aidait à mettre fin à ses jours. Mme
Pretty soutenait que l'article 2
1. Dans ce contexte, le suicide en France n'est pas un délit et se trouve simplement et purement
ignoré par le Code pénal, tout comme la tentative de suicide qui n'est pas punissable.
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