Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 4e - 59

Article 3 - Interdiction de la torture
alinéa de l'article 144-1 du Code de procédure pénale qui ne permettait pas de
mettre fin à une détention provisoire indigne. Dans la foulée, le législateur prenait
ses responsabilités en adoptant la loi du 8 avril 2021 (L. n° 2021-403) tendant à
garantir le droit au respect de la dignité en détention.
Si certaines « contraintes » imposées aux détenus sont acceptées pour des
raisons de type sécuritaire, elles ne le sont pas toutes de façon automatique. Il
en va ainsi des « menottages systématiques » (CEDH, 20 janvier 2011, Kashavelov
c/ Bulgarie ; CEDH, 15 mai 2012, Kaverzin c/ Ukraine), du port de combinaisons
hermétiques (CEDH, 14 janvier 2014, Lindström et Mässeli c/ Finlande), ou encore
des « fouilles intégrales » qui reviennent ni plus ni moins à pratiquer des inspections
anales. La France essuie régulièrement des constats retentissants de violation
en la matière (CEDH, 12 juin 2007, Frérot c/ France ; CEDH, 9 juillet 2009,
Khider c/ France ; CEDH, 20 janvier 2011, El Shenawy c/ France). Si la Cour confirme
dans ces affaires que les fouilles intégrales ne sont pas « en soi illégitimes », elle
rappelle fort à propos qu'elles doivent apparaître comme « nécessaires » pour
parvenir à l'objectif de maintien de l'ordre et de la sécurité et doivent être effectuées
« selon des modalités adéquates de manière à ce que le degré de souffrance
ou d'humiliation subi par les détenus ne dépasse pas celui que comporte inévitablement
cette forme de traitement légitime » (affaire El Shenawy précitée, § 38).
Si la dignité a été le « principe matriciel » (selon la formule de Bertrand Mathieu)
qui a servi de fondement à l'extension du contenu du droit consacré à l'article 3,
elle a également servi à la Cour pour imposer aux États toute une série d'obligations
positives matérielles afin d'assurer la protection bien-être physique des
personnes qui se trouvent sous son contrôle. Ces obligations sont de deux ordres :
1) établir un cadre législatif et règlementaire approprié tout d'abord (afin de mettre
à l'abri les personnes vulnérables de toute atteinte à leur intégrité physique et
morale, y compris en dehors de lieux de détention contrôlés par l'État) ; 2) prendre
des mesures opérationnelles aux fins de protection des individus, ensuite, ce qui
est particulièrement pertinent dans le cadre des lieux de détention. Ainsi, les
États seront condamnés quand ils n'auront pris aucune mesure spécifique pour
permettre d'adapter les conditions de détention au handicap mental du requérant
qui fut violenté par ses co-détenus (CEDH, 26 mai 2020, I.E. c/Moldova, § 46) ou
quand ils n'ont pas pris de mesures pour empêcher brimades et autres bizutages
dans l'armée à l'encontre d'un jeune appelé (CEDH, 22 mars 2022, Filipovy
c/ Russie, § 103).
La dignité (ou plutôt son absence) est également un levier en matière de
réparation. Dans un arrêt historique (CEDH, 4 avril 2024, Tamazount c/ France), la
Cour considère que l'indignité des conditions de détention des harkis et de leurs
familles dans le camp de Bias entre le 3 mai 1974 et le 31 décembre 1975, emporte
violation de l'article 3 et de l'article 1P1. Pour arriver à ce résultat, elle estime que
la très faible indemnisation reçue par les harkis (1 000 euros par année de détention,
avec une majoration en vue de tenir compte des troubles propres au défaut de
scolarisation des enfants), ne peut passer pour une « réparation adéquate et suffisante
» pour redresser les violations (§ 162). Et d'affirmer que « malgré l'important
travail mémoriel accompli et les reconnaissances solennelles prononcées par
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