Systèmes - La Convention européenne des droits de l'homme - 4e - 95

Article 6 - Droit à un procès équitable
comptes des comptables publics (CEDH, 12 avril 2006, Martinie c/ France) doivent
remplir les exigences du procès équitable. Il en va de même pour le contentieux
disciplinaire dans le domaine du sport (CEDH, 18 mai 2021, Naki et Amed Sportif
Faaliyetler Kulubu Dernegi c/ Turquie, § 20) ou celui ou encore de policiers (CEDH,
8 octobre 2019, Grace Gatt c/ Malte, §§ 60-63). Le même processus se déploie
devant des juridictions ordinales quand des procédures de suspension ou de radiation
sont en jeu et que le droit d'accès et d'exercer une profession se retrouve
atteint, que ce soit celle des avocats (CEDH, 30 novembre 1987, H. c/ Belgique ;
CEDH, 23 juillet 1994, De Moor c/ Belgique) ou des médecins (CEDH, 23 juin 1981,
Le Compte, Van Leuven et De Meyer c/ Belgique ; CEDH, 10 février 1983, Albert et Le
Compte c/ Belgique). Le contentieux social a également été pris dans les filets du
« domaine civil », la Cour considérant que les aspects de droit privé l'emportaient
très souvent sur les aspects de droit public dans le cadre du contentieux relevant
de la sécurité sociale, tant du point de vue des prestations (CEDH, 29 mai 1986,
Felbrugge c/ Pays-Bas, § 40), que de celui des cotisations (CEDH, 9 décembre
1994, Schouten et Meldrun c/ Pays Bas) et ce, indépendamment sur du statut de
la personne concernée (CEDH, 8 décembre 2022, M.K. et autres c/ France, § 108).
Dans ce contexte, le contentieux de la fonction publique a fini également par
être contrôlé par la Cour au prix d'une jurisprudence sinueuse et pointilliste.
Sinueuse, car les revirements de jurisprudence ont été nombreux en peu de
temps, ce qui malmena la sécurité juridique en emportant des incertitudes jurisprudentielles
au niveau des juridictions internes. En effet, l'arrêt Pellegrin (CEDH,
Gde. Ch., 8 décembre 1999, Pellegrin c/ France), qui était déjà un revirement de
jurisprudence, fut totalement revisité par un autre arrêt de Grande Chambre huit
ans plus tard qui établit des critères nouveaux pour faire entrer le contentieux de
la fonction publique dans le champ d'application de l'article 6 § 1(CEDH, 19 avril
2007, Vilho Eskelinen et al c/ Finlande, § 55). Pointilliste, la jurisprudence l'a été et
continue de l'être car l'arrêt Vilho Eskelinen ne fut forcément plus facile à mettre
en œuvre, ce qui amena la Cour a « affiné » la nouvelle politique jurisprudentielle
au moyen de l'arrêt Grezda c/ Pologne en 2022 (précité). Aujourd'hui, le principe
est l'applicabilité de l'article 6 § 1 à tout litige de la fonction publique, la Cour
considérant que l'accès au juge dans le droit interne au bénéfice d'un fonctionnaire
entraîne automatiquement l'applicabilité de la garantie conventionnelle. Cette
présomption d'applicabilité de l'article 6 § 1 s'efface toutefois en présence de
deux conditions cumulatives (qu'il revient à l'État défendeur de prouver) : 1) le droit
interne de l'État concerné doit avoir expressément (Vilho Eskelinen) ou implicitement
(Grezda) exclu l'accès à un tribunal s'agissant du poste ou de la catégorie
de salariés en question et 2) l'objet du litige doit être lié à l'exercice de l'autorité
étatique ou doit remettre en cause « le lien spécial » de confiance et de loyauté
entre le fonctionnaire et l'État. Dans ce contexte, le contentieux disciplinaire
contre des juges sur la base des critères Vilho Eskelinen tombe dans le champ
d'application de l'article 6 § 1 (CEDH, 23 juin 2016, Baka c/ Hongrie, § 103 ; CEDH,
Gde Ch., 6 novembre 2018, Ramos Nunes de Carvalho e SA c/ Portugal, § 120) car
« si les magistrats ne font pas partie de l'administration au sens strict, ils ne font
pas moins partie de la fonction publique au sens large » (Baka précité, § 102).
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