Hors collection - Droit de la « guerre atypique » - 16

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Droit de la « guerre atypique »
stratégiquement sensible ou non7
, peut être conduite par des gangs, ou bien par
le proxy d'un État, voire les deux. Elle peut avoir un lien avec une opération militaire,
ou non, ce qui est impossible à déterminer sauf à découvrir les voies d'une
attribuabilité. Par ailleurs, l'attribution d'un fait agressif est tout à la fois le résultat
d'un processus cognitif et d'une décision politique : nombre de cas d'agressions,
armées ou non armées, sont parfaitement attribuables, mais non attribués faute
de telle décision8
.
Il n'existe cependant pas de règles formant un droit international des opérations
non militaires, malgré des tentatives non abouties de créer des règles internationales,
par exemple en matière de cyber- opérations9
, sinon dans des domaines très
particuliers, comme en matière de droit des investissements et, encore, sans que
ce vocabulaire martial ne soit ni employé ni même approché10
.
On peut raisonnablement penser que les opérations militaires dans le cyberespace
conduites dans le cadre d'un conflit armé sont soumises aux règles du
droit international humanitaire11
. Beaucoup moins claire est la question du droit
à la légitime défense d'un État victime d'une cyberattaque ou d'opérations de
manipulation de l'information, fondée sur l'article 51 de la Charte des Nations
unies. Elles sont en outre considérées en général comme situées « sous le seuil » de
la guerre ; or la plupart des pays disposent de techniques de cyber- protection ou
de cyberdéfense dans ce type de cas, ce qui démontre que c'est, au minimum, une
préoccupation étatique, sinon militaire, bien organisée en France par exemple12
. Il
7. En 2022, de nombreuses cyberattaques ont visé des hôpitaux, à Corbeil- Essonne, à Versailles, à
Charleville- Mézières, à Saint- Dizier, sur la base de ransomwares, sans préjudice corporel a priori, mais
également contre des administrations comme le Conseil départemental de Seine- Maritime, celui de
Seine- et- Marne, la Région de Guadeloupe, sur la base de DoS, des entreprises, comme Thales (cyber
exploitation et/ou ransomware : extraction de données et menace de les relâcher), Conforama (idem),
la coopérative Euraden (Paysan Breton, DoS). V. Panorama de la cybermenace 2022, ANSSI, 2023 (en
ligne). En mars 2023, l'Assemblée nationale et le Sénat étaient l'objet d'une cyberattaque. V. J. Eynard,
Cybersécurité, in Rep. Dalloz, IP/IT et communication, 2021, qui cite (n° 1) un sondage, en 2019,
révélant que plus de 80 % des entreprises interrogées avaient été victimes d'au moins une cyberattaque
dans l'année écoulée et 22 % plus de quinze attaques de ce type.
8. V. J.-L. Gergorin et L. Isaac- Dognin, Cyber. La guerre permanente, éd. du Cerf, 2018, p. 80-82, à
propos de l'attaque cyber dont le Centre National Démocrate a été victime, à la fois pour influencer
le vote aux primaires démocrates de 2016 en faveur de Bernie Sanders et pour ensuite faire fuiter des
courriels d'Hilary Clinton, est attribué sans équivoque à un groupe dit « Fancy Bear » ou « APT 28 », qui
serait le bras armé du GRU, le service de renseignement militaire russe dont le président Obama, averti,
aurait imposé le silence afin de ne pas provoquer d'escalade.
9. V. Michael N. Schmitt, Tallinn Manual 2.0 On The International Law Applicable To Cyber
Operations, Cambridge University Press, 2e
éd., 2017.
10. V. infra, n° 147.
11. V. C. Faure et R. Stamminger (dir.), Manuel de droit des opérations militaires, op. cit., p. 295 s. Adde :
L. Simonet, « L'usage de la force dans le cyberespace et le droit international », AFDI, 2012, p. 117.
12. V. infra, n° 53.
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