Hors collection - Droit de la « guerre atypique » - 176

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Droit de la « guerre atypique »
État membre de l'Union européenne, les mesures de sanction sont impératives et
fournissent une « excuse légale » à l'inexécution d'un contrat, du moins au regard
d'un droit interne d'un État de l'Union européenne40
.
La question intéresse également en amont des contrats visés par ces mesures de
sanctions : ceux conclus par un opérateur avec des fournisseurs, des sous- traitants,
des prestataires divers, etc., pour assurer l'exécution des contrats dont le paiement
est gelé ou qui sont devenus interdits. On songe alors à la question de la force
majeure ou du fait du prince, l'invocation d'un changement de circonstances
économiques, etc. : il reste à mesurer comment, dans ces situations, les juges recevront
ces demandes. Lors de la crise sanitaire, par exemple, sans doute en raison de
son caractère systémique, l'hypothèse de l'invocation de la force majeure comme
fait justificatif du non- paiement des loyers des commerçants empêchés d'exercer
leur activité a été rejetée41
.
Se pose cependant la question du paiement de créances nées avant l'inscription
du débiteur « russe » dans les annexes des règlements 208/2014 ou 269/2014 ou
du paiement à recevoir par un créancier « russe » : la seule inscription vaut gel des
fonds et interdiction de tout mouvement de fonds ou de ressources économiques.
Il n'est pas nécessaire que la mesure ait effectivement fait l'objet d'une mise en
œuvre par l'autorité nationale. Il en résulte que l'impérativité du gel automatique
des fonds l'emporte sur la discutabilité de l'inscription d'une personne en annexe
du Règlement ou par l'autorité nationale, en raison d'une erreur de fond ou de
forme (homonymie, erreur d'orthographe du nom, etc.) et donc en attente du
succès ou de l'insuccès des recours engagés. Là encore l'efficacité des sanctions
impose cette rigueur, rigueur qui ne vaut d'ailleurs pas perte de l'accès à un droit
au recours effectif qui, à défaut, se transformerait en droit à l'effet suspensif d'une
action en paiement en raison de l'existence d'un recours effectif engagé par la
personne visée par la mesure de sanction.
Le même raisonnement pose davantage question pour les sanctions sectorielles
en raison de la difficulté d'appliquer rétroactivement une interdiction à un contrat
40. V. C. Kessedjian, « Propos conclusifs. L'interférence des sanctions à l'égard de la Russie sur les
contrats de droit privé », JDI 2022, p. 809.
41. Cass. 3e civ., 30 juin 2022, n° 21-20127, Sté Odalys résidences, Cass. 3e civ., 30 juin 2022,
n° 21-20190, Sté Action France c. Sté Foncière Saint-Louis, Cass. 3e civ., 30 juin 2022, n° 21-19889,
Sté Bourse de l'immobilier c. Sté Lafran, D. actu., 4 juill. 2022, obs. P. Gaiardo, D. 2022, p. 1445, note
D. Houtcieff, p. 1398, point de vue S. Tisseyre, AJDI 2022. 605, avis B. Sturlèse et obs. J.-P. Blatter,
JT 2022, n° 255, p. 11, obs. X. Delpech, JCP 2022. Act. 839, obs. A. Colin, JCP N 2022. Act. 742,
obs. A. Thobie et Y. Heyraud, Contrats, conc., consom. 2022. Comm. 129, note L. Leveneur. Adde :
J. Monéger, « La Cour de cassation sonne l'armistice : les loyers " Covid-19 " sont dus ! Observations sur trois
décisions dirimantes de la 3e chambre civile du 30 juin 2022 », JCP 2022. Doctr. 975, M. Mekki, « Baux
commerciaux et crise sanitaire - Voici venu le temps de " la douloureuse " », JCP N 2022, étude 1216.
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