Bibliothèque de droit privé - Tome 641 - Concentration et procès civil - 574

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CONCENTRATION ET PROCÈS CIVIL
même si l'évolution du litige est l'une des causes du taux d'infirmation. Une amélioration
supposerait des réformes d'ampleur et parfois assez sensibles telles que la collégialité,
le rôle de l'audience et du juge pendant l'instance ou encore des réformes
d'organisation de la justice336. Seule une décision de première instance de qualité
permettrait d'envisager un appel réformation337. Il existe par ailleurs un sujet quant
à la justice prud'homale car ce sont principalement les chambres sociales qui sont
concernées338.
Au total, si la trajectoire ascendante de la concentration dans le procès incite
naturellement à transformer l'appel en voie de réformation, elle devrait, au contraire,
conduire à préserver l'appel comme voie d'achèvement. Une conception restreinte de
l'appel à un appel réformation n'est pas théoriquement impossible mais elle supposerait
que les causes des difficultés connues de la procédure soient correctement
évaluées339 pour être véritablement endiguées. Cela signifie qu'il faudrait une première
instance d'une qualité suffisante340 et que l'autorité de chose jugée soit limitée
aux seules questions effectivement tranchées. Finalement, à l'heure actuelle, un appel
réformation apparaît tout simplement hors de portée341.
1038. Conclusion de section. En renouvelant le principe d'immutabilité du
litige, la concentration expose le traitement du litige, c'est-à-dire plus concrètement
la situation des parties, à deux dangers.
En premier lieu, elle provoque une fixation précoce du litige dans l'instance.
Insusceptible d'évoluer, le litige est alors cantonné à une expression rudimentaire
qui correspond à la contestation. Cependant, cette fixation du litige est artificielle et
dangereuse. Elle expose le jugement à un risque de décalage avec la situation réelle
des parties et soulève ainsi la question de la qualité de la décision rendue. Il serait
souhaitable d'utiliser la concentration, non comme un moyen uniforme de fixer artificiellement
le litige à un stade précoce de l'instance, mais comme un outil adaptable
aux besoins du litige. Il est alors proposé d'ajuster la concentration à différentes hypothèses.
D'abord, en l'excluant dans des cas où elle est excessivement sévère, comme
lorsqu'une partie est défaillante dans l'instance ayant précédé celle dans laquelle la
concentration lui est imposée. Ensuite, en l'adaptant dans le procès selon une série
de principes. La concentration devrait plutôt être utilisée graduellement selon l'évolution
de l'instance, la complexité du litige et l'état de la juridiction devant laquelle
l'affaire est pendante. Pour favoriser cette exploitation non uniformisée et adaptée
336. V. supra, nº 229 et s.
337. En Allemagne, la réforme de l'appel du 22juin 2001 transformant l'appel en une voie de réformation
était possible compte tenu d'un taux d'appel de 7,5 % des décisions de première instance.
V. D. D'AMBRA, « Le point de vue d'un avocat », in F. FERRAND,B. PIREYRE (dir.), Prospective de l'appel
civil, coll. Colloques, vol. 29, SLC, 2016, p. 85, spéc. note nº 14. Il a même été souligné que la qualité de
la décision de première instance conditionnerait l'appel « réformation » : Groupe thématique Simplification
de la justice civile. Rapport remis au comité des États généraux de la justice le 1er
février 2022, p. 83.
338. La durée de traitement moyen des appels en matière prud'homale est passée d'environ
13,8 mois en 2009 à 21,8 mois en 2018.V. Bilan des réformes de la procédure d'appel en matière civile,
commerciale et sociale et perspectives,t. 1, op. cit., p. 66.
339. Sur les questions soulevées par un appel limité au contrôle du « mal-jugé », v. par ex.
T. HEMOUR, « La quête d' " autorité " du juge civil de première instance est-elle bridée par l'effet dévolutif
de l'appel ? », Gaz. Pal., 2015, nº 211, p. 13.
340. Pour des propositions en ce sens, v. Rendre justice aux citoyens, Rapport du comité des États
généraux de la justice, Avril 2022, p. 175 et s.
341. En ce sens, v. P. BAS (prés.), Cinq ans pour sauver la justice !, op. cit., p. 217.
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