Bibliothèque de droit privé - Tome 641 - Concentration et procès civil - 90

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CONCENTRATION ET PROCÈS CIVIL
déchéance souhaitée226. Pour autant, cette pente glissante conduit inévitablement à
étendre, de manière artificielle, le périmètre de ce qui a été jugé. Or, s'il est concevable
que l'autorité de chose jugée se distancie de l'idée de vérité qui recèle une part
de mysticité227,s'en abstraire trop rapidement pour en déduire que la chose jugée n'a
pas à avoir de lien avec la vérité présente des dangers. Étant l'essence du jugement, la
chose jugée exprime au moins une vérité qui est celle de l'examen par le juge d'une
situation conflictuelle traduite judiciairement en litige. Ce lien est nécessaire comme
fondement du lien social228 et ne peut être manipulé à la légère par intérêt comptable.
Ces imprécisions autour de l'autorité de la chose jugée et les risques auxquels
pouvait conduire leur exploitation ont valu à celle-ci de nombreuses critiques229.
Pour tenter d'y remédier, Motulsky a formulé une proposition dans une célèbre contribution
en 1968 (a) sur la base de laquelle une approche autonome de la concentration,
c'est-à-dire détachée de l'autorité de chose jugée, avait été amorcée par la Cour de
cassation dans l'affaire Fouget (b).
a) La proposition de Motulsky
119. Objectif de la proposition. En 1968, Motulsky a critiqué les imprécisions
de la délimitation de l'autorité de la chose jugée et a proposé des réflexions qui
devaient permettre de lutter contre son caractère divinatoire230.L'objectif poursuivi
par l'auteur était celui de la sécurité juridique : la mise en œuvre de l'autorité de la
chose jugée devait être prévisible.
120. Origine de la proposition. Partant de la jurisprudence de la Cour de cassation,
Motulsky a adressé deux critiques à l'autorité de la chose jugée. La première
était dirigée contre la triple identité de son autorité négative : malgré les efforts de
clarification de la doctrine, les conditions d'objet et de cause sont trop imprécises et
la triple identité ne constitue pas un critère précis. La seconde concernait l'étendue du
jugement et les questions de l'autorité des motifs et de la chose implicitement jugée,
c'est-à-dire les implications de la chose effectivement jugée. L'auteur critiquait alors
particulièrement les implications qui consacrent une fiction en aval du jugement231.
121. Contenu de la proposition. Pour résoudre les incertitudes de l'autorité de
la chose jugée, Motulsky a proposé de renoncer à la triple identité au bénéfice d'un
double critère centré sur le contradictoire232 : la question litigieuse d'une part233 -
226. Selon les mots de Foyer : « la paix publique sacrifie la recherche d'une justice meilleure au
respect d'une Justice établie ». V. J. FOYER, thèse préc., p. 1.
227. V. supra, nº 111.
228. Sur les dangers présentés par une telle démarche, v. infra, nº 152.
229. V. par ex. H. VIZIOZ, op. cit., nº 56, p. 253 et s.
230. H.MOTULSKY, « Pour une délimitation plus précise de l'autorité de la chose jugée en matière
civile », in Écrits. Études et notes de procédure civile, op. cit., p. 201 et s.
231. L'implication dite réelle, à l'inverse, est logique et bilatérale : elle bénéficie au jugement mais
aussi aux parties grâce au moyen implicitement contenu dans les conclusions qui permet d'échapper à l'irrecevabilité
du moyen nouveau. C'est l'implication fictive qui est problématique. Celle-ci ne profite jamais
aux parties. Sur les usages classiques de l'implicitement jugé, v. X. LAGARDE, comm. ss. Cass. ass. plén.,
3juin 1994, nº 92-12157, Bull., ass. plén., nº 4 (rejet), JCPG, 1994, II, 22309, spéc. nº 8.
232. H.MOTULSKY, « Pour une délimitation plus précise de l'autorité de la chose jugée en matière
civile », art. préc., p. 226, spéc. nº 37.
233. Sur la notion de « question litigieuse », v. déjà : H. VIZIOZ, op. cit., nº 56, p. 253 et nº 58, p. 258.
V. déjà chez Garsonnet et Cézar-Bru la formule de « l'identité des questions » : E. GARSONNET,
C. CÉZAR-BRU, op. cit., nº 706, p. 422, spéc. note nº 9. Ce critère était aussi en germe chez Ulpien : inter
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