Bibliothèque de droit privé - Tome 640 - Les sources du droit des sociétés - 147

L'UNION EUROPÉENNE, ÉMETTEUR SUPRANATIONAL DU DROIT DES SOCIÉTÉS
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domaine, conserver une certaine avance56. Les règles qu'ils émettent ne se limitent
plus à imposer des obligations d'information aux sociétés. La modification de l'article
1833 par la loi PACTE en est un exemple flagrant, toute société devant, à présent,
être gérée « dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et
environnementaux de son activité »57.
Les objectifs poursuivis ces dernières années par l'Union européenne sont donc
identiques à ceux poursuivis par les émetteurs étatiques français. Les règles émises
par l'Union européenne, si elles prennent une place toujours plus importante, n'ont
donc pas révolutionné le droit des sociétés58. Cela est d'autant plus vrai que le droit
interne a souvent devancé les avancées européennes. Il faut, en effet, rappeler que
l'Union européenne ne s'est vue octroyer une compétence que dans le but de coordonner
les droits des États membres.
96. Coordination. - L'article 50§ 2 g) du TFUE, qui est la principale base juridique
utilisée par l'Union européenne pour créer des règles de droit des sociétés,
donne uniquement pouvoir au Parlement européen et au Conseil de réaliser la liberté
d'établissement, celle-ci devant notamment passer par la coordination, « dans la
mesure nécessaire et en vue de les rendre équivalentes », des garanties offertes par
les sociétés aux associés et aux tiers. Si l'Union européenne semble, au départ, avoir
eu une interprétation extensive de cet article59, la tentative d'unification qui en a suivi
a été un échec60. En conséquence, l'Union européenne n'a pas compétence pour créer
un droit européen des sociétés61. Elle a uniquement compétence pour coordonner les
droits existants62.
L'action de l'Union européenne est donc nécessairement limitée en ce que, dès
lors qu'elle doit coordonner, elle ne peut que s'inspirer de ce qui existe déjà en droit
interne. À ce titre, le droit français a très souvent devancé les innovations européennes.
Cela a été le cas en 1966 lors de l'adoption de la loi sur les sociétés commerciales
56. Avance qui tend à se réduire avec l'adoption de la directive CSRD (2022/2464) et la proposition
de directive sur le devoir de vigilance. Sur cette dernière, v. supra nº 64.
57. Art. 1833 al. 2 du Code civil modifié par l'article 169 de la loi nº 2019-486 du 22 mai 2019 relative
à la croissance et la transformation des entreprises.
58. Ce qui n'est pas nécessairement une critique négative. Il a ainsi pu être relevé que le droit des
sociétés français et le droit des sociétés européen entretenaient des « relations constructives », B. LECOURT,
« Cinquante ans de relations complexes entre le droit européen et le droit français des sociétés » in
I. URBAIN-PARLÉANI et P.-H. CONAC (sous la dir.), Regards sur l'évolution du droit des sociétés depuis la
Loi du 24juillet 1966, Dalloz, 2018, p. 117, spéc. p. 119.
59. Sur cette discussion : V. MAGNIER, Rapprochement des droits dans l'Union européenne et viabilité
d'un droit commun des sociétés, LGDJ, 1999, nº 155 et s. Le Professeur Magnier relevait ainsi dans sa thèse
que « Pour les institutions européennes, qui ont adopté au contraire une approche très protectrice des
intérêts à défendre, c'est l'ensemble du droit des sociétés qui doit être pris en compte, puisque, par définition,
ce droit obéit, de manière directe ou indirecte, à un certain souci de sécurité juridique ». Les institutions
européennes auraient davantage tenté dans un premier temps d'unifier les droits internes plutôt que de
les coordonner (Ibid., nº 230).
60. En ce sens : V. MAGNIER, thèse préc., nº 360 : « la construction européenne ne progresse donc
pas ».
61. Il a ainsi été relevé que « l'article 44-2 g [repris à l'article 50§ 2 g du TFUE] constitue tant la
justification de la coordination des règles relatives à la constitution des sociétés que la limite à l'intervention
du législateur communautaire », B. LECOURT, thèse préc., nº 73, p. 45.
62. À l'aube de la construction européenne, existait pourtant la volonté de créer un droit des sociétés
européen dépassant ainsi la simple coordination des droits internes existants. Cette tentative a toutefois
échoué. V. not. sur cette question : J. BÉGUIN,« L'évolution de l'environnement international et communautaire
de la loi du 24juillet 1996 », Rev. sociétés 1996. 513.

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