Bibliothèque de droit privé - Tome 640 - Les sources du droit des sociétés - 161

L'UNION EUROPÉENNE, ÉMETTEUR SUPRANATIONAL DU DROIT DES SOCIÉTÉS
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notamment pour fraude ou cause illicite130. La Cour d'appel de Paris a pu également
se fonder sur l'absence de volonté de s'associer dans un intérêt commun et sur un pied
d'égalité131.
Dans ces hypothèses, le droit interne entrait en contrariété avec le droit européen
puisque le juge se fondait sur des causes de nullité autres que celles prévues par la
directive et contrôlait non pas exclusivement l'objet social tel qu'indiqué dans les statuts
mais également l'activité réelle mise en œuvre par la société. Par un arrêt
remarqué de la Cour d'appel de Paris et par deux arrêts de la Cour de cassation, les
juges français se sont toutefois rangés à l'interprétation faite par la Cour de justice de
l'Union européenne, marquant ainsi la limite apportée à leur compétence.
106. Une interprétation contrainte. - Tout d'abord, la Cour d'appel de Paris
en 2001132 a refusé de prononcer la nullité d'une société pour apport fictif. La Cour
d'appel avait alors relevé que cette cause de nullité n'était pas prévue par la directive
européenne et qu'en application de la jurisprudence de la Cour de justice, elle était
tenue d'interpréter le droit interne à la lumière de cette dernière. La Cour d'appel
conclut alors à la non-conformité de l'article L. 235-1 du Code de commerce avec le
droit de l'Union européenne. Cet arrêt a ensuite été suivi par deux arrêts de la Cour de
cassation mettant en conformité le droit français avec le droit de l'Union.
Dans un premier arrêt du 27 mai 2015133, la Cour de cassation s'est prononcée
sur la nullité d'une société à responsabilité limitée qui avait été créée dans le but de
contourner une clause d'exclusivité. La Cour d'appel avait retenu la nullité de la
société et le demandeur au pourvoi soulignait que ni la fictivité ni la fraude ne pouvaient
fonder cette nullité. La Cour de cassation ne retient pas ces motifs de nullité
mais souligne que l'objet statutaire de la société était, en l'espèce, illicite et qu'ainsi la
nullité pouvait être prononcée à l'encontre de la société. En écartant la fictivité et la
fraude au profit de l'objet statutaire illicite, lequel est un motif de nullité au sens de la
directive européenne, la Cour de cassation faisait un premier pas vers la mise en
conformité du droit français avec le droit européen.
Enfin, dans un arrêt du 10 novembre 2015134, la Cour de cassation fait expressément
référence au droit de l'Union européenne ainsi qu'àl'interprétation qui en a été
faite par la Cour de justice. Visant les articles 1833 et 1844-10 du Code civil, la Cour
130. Notamment : Cass. com., 28janvier 1992, nº 90-17389, Bull. Joly 1992, p. 419, LE CANNU (P.) ;
la Cour d'appel ayant recherché le but poursuivi par les parties qui était la réalisation d'une fraude et a ainsi
déclaré la société nulle pour cause illicite. La Cour de cassation ne remet pas en cause le fondement de la
nullité mais exige que tous les associés aient concouru à la fraude pour que la nullité puisse être prononcée.
La Cour de cassation a également pris en compte la fraude (en l'espèce l'organisation d'une insolvabilité
apparente) pour déclarer une société non pas nulle mais fictive et ainsi rendre l'apport effectué auprès de
cette société inopposable au créancier lésé (Cass. com., 19 avril 1972, nº 70-12579). Depuis, la Cour de
cassation considère qu'une société fictive est une société nulle et non inexistante (Cass. com., 22juin
1999, nº 98-13611, Bull. Joly 1999, p. 978, COURET (A.) ; RTD Com. 1999. 903, REINHARD (Y.)), ainsi, en
principe, les causes entraînant la fictivité de la société doivent être restreintes à celles permettant de fonder
sa nullité.
131. CA Paris, 23e
et a. c/Sté Ed Le Maraîcher et Sté Ertéco.
132. CA Paris, 3e
2016, p. 28, MESSAÏ-BAHRI (S.).
chambre sect. B, 7juillet 1995, nº 11332/95, Sté Ed Le Maraîcher La Courneuve
chambre, sect. C, 21 septembre 2001, nº 1999/00244, Escudié c/SA 3001 Informatic,
Bull. Joly 2002, p. 626, MENJUCQ (M.).
133. Cass. com., 27 mai 2015, nº 14-17035, Bull. Joly 2015, p. 562, CAMENSULI-FEUILLARD (L.).
134. Cass. com., 10 novembre 2015, nº 14-18179, Rev. sociétés 2016. 219, LECOURT (B.) ; Bull. Joly
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