Bibliothèque de droit privé - Tome 640 - Les sources du droit des sociétés - 200

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LES SOURCES DU DROIT DES SOCIÉTÉS
Àl'issue de ces arrêts, il est donc certain que l'utilisation du critère du siège réel
pour déterminer le droit applicable à une société sera privée d'effet dès lors que ce
critère sera utilisé par l'État accueillant les activités d'une société valablement constituée
dans un autre État membre. La jurisprudence de la Cour de justice de l'Union
européenne neutralise ainsi une disposition de droit interne alors même que celle-ci
n'entre pas dans son champ de compétence. La directive Mobilité a en effet rappelé
qu'en « l'absence d'harmonisation du droit de l'Union, la définition du facteur de
rattachement déterminant le droit applicable à une société relève, conformément à
l'article 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de la compétence
de chaque État membre »319. Finalement, les solutions développées par la Cour de
justice de l'Union européenne favorisent le law shopping.
§3. LIBRE CHOIX DU DROIT APPLICABLE : LAW SHOPPING
144. Les arrêts Vale et suivants. - Alors que dans les arrêts Daily Mail et Cartesio,
la Cour énonce que les règles de constitution et de fonctionnement des sociétés relèvent
du droit interne lorsqu'elles n'ont pas fait l'objet d'harmonisation, celle-ci met en
échec l'application de ces règles en obligeant les États membres à reconnaître les opérations
de transfert de siège social transfrontalières. Selon les juges européens, le principe
de liberté d'établissement contient, en effet, un principe d'équivalence qui contraint les
États membres à traiter de façon identique les opérations juridiques internes affectant les
sociétés et ces mêmes opérations intervenant entre deux États membres.
Aussi, dans son arrêt Vale320, la Cour a considéré que dès lors que le droit hongrois
reconnaissait les opérations internes de transformation d'une société en permettant
à la nouvelle société créée de bénéficier d'une mention spéciale au registre indiquant
qu'elle était le « successeur universel » de la société antérieure, celui-ci devait
également faire bénéficier de cette mention une société nouvellement constituée sur
son territoire qui ne serait que l'aboutissement du transfert du siège social avec modification
du droit applicable d'une société auparavant constituée dans un autre État
membre. La Cour de justice conclut ainsi que la liberté d'établissement n'impose
pas aux États membres de traiter plus favorablement les opérations transfrontalières
mais le principe d'équivalence qu'elle induit interdit à l'État membre de soumettre la
validité de l'opération à la condition qu'elle se déroule entièrement sur son territoire.
La question se pose pourtant de savoir si les deux opérations peuvent être caractérisées
d'équivalentes alors même que l'une d'entre elles entraîne la modification des
règles de droit applicables à la société alors que l'autre non. L'avocat général, dans
ses conclusions, qualifie justement l'opération transfrontalière de « reconstitution
transfrontalière d'une société de capitaux »321
et non pas de transformation telle
qu'elle existe en droit interne.
319. Directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant
la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières,
cons. (3).
320. CJUE, 12juillet 2012, C-378/10, aff. Vale Epitési kft, Bull. Joly 2012, p. 735, DAMMAN (R.) ;
WYNAENDTS (L.), LÉA (M.) ; JCPE 2012, nº 38, 1547, MASTRULLO (T.) ; Rev. sociétés 2012. 645, PARLEANI
(G.) ; D. 2012. 3009, CONAC (P.-H.).
321. Conclusions de l'avocat général M.NIILO JÄÄSKINEN présentées le 15 décembre 2011 sur l'affaire
C-378/10, Vale Epitési kft. Cette qualification était peut-être également guidée par le fait qu'un délai avait
couru entre la dissolution de la société dans l'État membre d'origine et sa reconstitution dans l'État membre
d'accueil.

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