Bibliothèque de droit privé - Tome 640 - Les sources du droit des sociétés - 209

LES AUTORITÉS DE RÉGULATION, ÉMETTEURS DU DROIT DES SOCIÉTÉS
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indépendantes6. Non prévues par la Constitution7, inclassables dans les catégories
déjà existantes en droit public8, les autorités administratives indépendantes avaient
déjà pu être considérées comme remettant en cause le principe démocratique prévu à
l'article 3 de la Déclaration des Droits de l'Homme, lequel a valeur constitutionnelle9
et dispose que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la
Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément
». En conséquence, l'Administration est soumise au pouvoir hiérarchique et de
tutelle du Gouvernement lequel est responsable devant le Parlement qui a été élu au
suffrage universel. Cette chaîne de responsabilités permet de considérer que l'action
de l'Administration est légitime puisqu'en dernier recours celle-ci est contrôlée par
des membres élus, représentant la Nation10.À l'inverse, les autorités administratives
indépendantes rompent le lien de hiérarchie et de tutelle existant avec le pouvoir exécutif.
C'est pourquoi les autorités administratives indépendantes ont pu être appelées
« oxymore juridique » puisque qualifiées d'administratives, elles devraient selon l'article
20 de la Constitution être soumises à l'autorité du Gouvernement11.
Cela est d'autant plus remarquable concernant le H3C et l'AMF que ces deux
autorités font partie du nombre réduit d'autorités publiques indépendantes12.À ce
titre, elles disposent de la personnalité morale et donc d'un patrimoine leur permettant
6. L'AMF est la première autorité publique indépendante créée (Loi nº 2003-706 du 1er
août 2003 de
sécurité financière). Cette loi crée également le Haut conseil du commissariat aux comptes qui n'a été doté
de la personnalité morale et ainsi qualifié d'autorité publique indépendante qu'à compter de 2007 par la loi
nº 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.
7. Seul le Défenseur des droits a été intégré dans la norme constitutionnelle par la réforme de 2008
(art. 71-1 de la Constitution).
8. J. CHEVALLIER, « Réflexion sur l'institution des autorités administratives indépendantes », JCP
1986, I, 3254.
9. CC, nº 71-44 DC, 16juillet 1971, Liberté d'association,P. GAÏA et alii, Les grandes décisions du
Conseil constitutionnel,19e éd., Dalloz, 2018, nº 29, p. 446 et s.
10. C. TEITGEN-COLLY, « Les autorités administratives indépendantes : histoire d'une institution » in
C.-A. COLLIARD et G. TIMSIT, Les autorités administratives indépendantes, PUF, 1988, p. 49 ; plus généralement,
sur l'ensemble des contrariétés à la Constitution que fait naître la création des autorités administratives
indépendantes, v. C. TEITGEN-COLLY, « Les instances de régulation et la Constitution », RDP janvierfévrier
1990, p. 153. M.-A. FRISON-ROCHE, « Comment fonder juridiquement le pouvoir des autorités de
régulation », Revue d'économie financière, nº 60, 2000, p. 85 et s et plus spécifiquement p. 87 et 88 ; rapport
public 2001 du Conseil d'État, Les autorités administratives indépendantes, La documentation française,
2001, p. 284 et s. La question peut également se poser de savoir s'il n'y a pas, avec la création des
autorités publiques indépendantes et ainsi l'octroi de la personnalité morale à ces autorités, un transfert de
responsabilité, les autorités ne seraient plus responsables politiquement mais le seraient juridiquement
devant le juge : N. DECOOPMAN, « Les autorités administratives indépendantes et l'hypothèse du néo-féodalisme
: de l'émiettement de l'État au néo-corporatisme ? » in J. Lefebvre (dir.), L'hypothèse du néo-féodalisme.
Le droit à une nouvelle croisée des chemins, PUF, 2006, p. 137 et s.
11. P. GÉLARD, Rapport préc., p. 22. Ce terme est repris dans le rapport d'information
de MM. R. DOSIÈRE et Ch. VANNESTE, Rapport d'information fait au nom du comité d'évaluation et de
contrôle des politiques publiques sur les autorités administratives indépendantes : pour une indépendance
sous la garantie du Parlement, Assemblée nationale, 28 octobre 2010, p. 29.
12. En dehors du H3C et de l'AMF : l'Agence française de lutte contre le dopage (art. L. 232-5 du
code du sport), l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (art. L. 2131-1 du code des
transports), le Conseil supérieur de l'audiovisuel (art. 3-1 de la loi nº 86-1067 du 30 septembre 1986 relative
à la liberté de communication), la Haute Autorité de santé (art. L. 161-37 du code de la sécurité
sociale), la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (art.
L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle) et le Médiateur national de l'énergie (art. L. 122-5 du
code de l'énergie).
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